Un paradis fiscal, c'est quoi au juste?
DECRYPTAGE•Tout comprendre sur ces territoires à la fiscalité avantageuse et au secret bancaire garanti…Alexandre Sulzer
Le scandale d'évasion fiscale via le Liechtenstein met le problème des paradis fiscaux au cœur de l'actualité. Mais au fait, c'est quoi un paradis fiscal?
Le terme est extrêmement flou. Il désigne tout pays dont la fiscalité apparaît comme avantageuse par rapport à une «normale» toute relative. Ainsi, l'Irlande, dont l'imposition est particulièrement basse, attire de nombreuses entreprises qui y gèrent leurs trésoreries (cela pouvant être légal si c'est accompagné d'une délocalisation des activités ou illégal dans le cas inverse). On parle également de «pays à fiscalité privilégiée». Les paradis fiscaux - au sens où on l'entend généralement dans la presse - combinent cette fiscalité avantageuse au secret bancaire (on parle alors de paradis bancaires) et à l'absence de coopération judiciaire avec les autorités étrangères (paradis judiciaires).
Combien y a-t-il de paradis fiscaux dans le monde?
Officiellement, seuls trois pays ont été épinglés par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE): Andorre, le Liechtenstein et Monaco. Mais les spécialistes s'accordent autour d'environ 70 paradis fiscaux dont la majorité se sont engagés plus ou moins à coopérer avec les autorités judiciaires, notamment dans les affaires de terrorisme.
En Europe, il existe 14 paradis bancaires dont trois au sein même de l'Union européenne: la Belgique, le Luxembourg et l'Autriche. Certains sont des territoires au sein d'Etats souverains, comme par exemple l'île de Man ou les îles anglo-normandes au Royaume-Uni. Les résidents britanniques ne sont pas taxés sur leurs revenus qui se trouvent dans ces îles.
>>>> Tout notre dossier sur le scandale d'évasion fiscale est ici...
D'autres paradis fiscaux sont spécialisés. Ainsi, les Bermudes recueillent principalement l'argent des assurances quand les îles Caïman constituent une destination privilégiée pour les banques.
Qui a recours aux paradis fiscaux?
Selon Vincent Drezet, secrétaire national du Syndicat national unifié des impôts, «tous les fonds spéculatifs y ont recours». «Ils constituent une soupape de sécurité au système financier international en permettant de maximiser les profits des entreprises». Problème: ils faussent la concurrence et concentrent l'argent là, où il n'existe aucun besoin économique réel. «Globalement, les PME et les PMI n'y ont pas recours car les sommes en jeu ne sont pas assez importantes».
Le secret bancaire attire également l'argent sale de toutes origines (corruption, prostitution, drogue…) et permet de le blanchir. Il incite également à l'évasion fiscale des particuliers. Exemple: une personne vend un immeuble et réclame 10% de la somme en liquide. Cette somme ne sera pas soumise à l'impôt sur les plus-values et pourra être fructifiée au Liechtenstein par exemple, en franchise d'impôt. Ne pas confondre évasion fiscale et délocalisation fiscale qui correspond au fait de vivre réellement plus de 181 jours par an dans un pays étranger pour y bénéficier d'un niveau d'imposition moins fort.
Comment fait-on pour ouvrir un compte dans un paradis fiscal?
Les procédés sont très nombreux et complexes (sociétés écrans, chambres de compensation...). «Mais la règle générale est d'ouvrir une entité juridique, une fondation, qui est gérée par un mandataire, en général un juriste, pour le compte d'un bénéficiaire inconnu», explique Vincent Drezet. Il est aussi possible de venir directement avec ses valises de billets. «Mais, prévient Jean-Yves Mercier, avocat fiscaliste associé chez CMS Bureau Francis Lefebvre, si vous arrivez au Liechtenstein avec 100.000 euros seulement, le banquier risque de vous rire au nez!». Pour les petits patrimoines, de nombreux montages financiers permettent de bénéficier d'avantages fiscaux en France même (assurances-vie…).
Est-ce qu'épargner à l'étranger est interdit pour un particulier?
Non, mais le compte doit être déclaré à l'administration française ainsi que ce qui l'alimente au cours de l'année. Chaque Français est imposable sur ses revenus mondiaux sauf en cas de conventions bilatérales qui précisent le contraire. Il y a donc peu d'intérêt à épargner à l'étranger si ce n'est pas pour vouloir échapper à l'ISF ou dissimuler de l'argent. Exception notable dans l'UE: les produits de l'épargne ne sont taxés que de 15% en Belgique, au Luxembourg et en Autriche (35% d'ici 2010). Une bonne raison donc d'y placer son argent.