«Tout ce mépris pour mon travail m’écœure»: Des fonctionnaires expliquent pourquoi ils font grève
TEMOIGNAGES•Les nombreux récits montrent un malaise persistant…Nicolas Raffin
L'essentiel
- Tous les syndicats de la fonction publique appellent à la grève ce mardi.
- Plusieurs mesures prévues par Emmanuel Macron, comme le gel du point d’indice ou la suppression de 120.000 postes, sont à l’origine du mouvement.
- Les témoignages envoyés à 20 Minutes montrent aussi une lassitude des fonctionnaires face aux clichés sur leur secteur d’activité.
Au fil des mails, des mots reviennent souvent : « situation difficile », « ras-le-bol », « inquiétude »… Depuis une semaine, les nombreux messages reçus par 20 Minutes suite à l’appel lancé traduisent le malaise des fonctionnaires qui manifestent ce mardi. Si l’ampleur de la mobilisation est difficile à prévoir, c’est la première fois depuis dix ans que tous les syndicats appellent à la grève.
Les motifs de mécontentements sont légion, à commencer par le manque d’effectifs. Emmanuel Macron a promis de supprimer 120.000 postes de fonctionnaires d’ici 2022, ce qui agace beaucoup Agnès. Employée comme agent technique dans un collège de Seine-Maritime, elle note que son établissement « est passé de 600 à 870 élèves » en quelques années. Jusqu’à présent, elle pouvait compter sur plusieurs contrats aidés pour l’épauler, mais « ces contrats vont sauter, et nous n’allons pas pouvoir effectuer notre travail dans de bonnes conditions ».
« Quand va-t-on arrêter de nous prendre pour des cons ? »
Un ressenti partagé par Nathalie, qui s’occupe de la cantine et du nettoyage des salles de classes dans un collège à Villejuif (Val-de-Marne). « Tous les jours, j’ai huit salles à nettoyer le matin de 7 heures jusqu’à 11 heures, puis je passe à la restauration jusqu’à 14h30, raconte-t-elle. Parfois, je dois même remplacer le gardien jusqu’à 19 heures, ce qui me fait une double journée. »
La rémunération pose également problème aux fonctionnaires de toutes les catégories (A, B ou C). « Je veux que l’Etat comprenne à quel point la situation est désastreuse, lance Sarah*, enseignante en Seine-Saint-Denis. J’ai été payée 1.400 euros ce mois-ci, un ingénieur avec le même nombre d’années d’études que nous est payé le double ! Quand va-t-on arrêter de nous prendre pour des cons ? ». Là encore, le gel du point d’indice – qui détermine les rémunérations – annoncé cet été est une mesure qui passe très mal dans la fonction publique.
« Pour eux on ne fout rien, on paresse »
Les témoignages recueillis révèlent aussi une vraie souffrance vis-à-vis des préjugés liés aux fonctionnaires. « Il ne faut pas s’étonner que de moins en moins de personnes veulent bosser dans la fonction publique. On est traité comme des moins que rien », regrette Sarah.
« Tout ce mépris pour mon travail, pour mon statut de fonctionnaire, m’écœure » poursuit Alexandra*, employée dans une bibliothèque avec un salaire à peine supérieur au Smic après dix ans d’ancienneté. « J’ai affaire à des usagers agressifs qui croient que je gagne des millions, et que j’ai des avantages faramineux, s’indigne-t-elle. Pour eux, on ne fout rien, on paresse. Mais comment les accueillir quand on doit traiter leurs dossiers et que là où on était trois agents, il n’y en a plus qu’un ? ».
Contrôleur des finances publiques depuis quinze ans, Rémy se sent obligé de préciser « qu’un fonctionnaire vit : il dépense et il épargne comme tout le monde. Les fonctionnaires en ont plus que marre de toutes les moqueries et de toutes les méchancetés que véhiculent les politiques et les médias et que le grand public gobe sans prendre le moindre recul. » Pour beaucoup enfin, la mobilisation de ce mardi est un moyen de rappeler le rôle essentiel des 5,4 millions d’agents publics en France.
*à la demande des personnes, les prénoms ont été modifiés.