Google, Facebook, Apple: La France arrivera-t-elle à plus taxer les géants du numérique?
IMPÔTS•La France veut convaincre l’ensemble des pays de l’UE…Nicolas Raffin
L'essentiel
- La France souhaite avancer vite sur le projet d’une taxe pour les entreprises américaines qui payent très peu d’impôts en Europe.
- Le sujet reste sensible dans l’UE, car tous les pays ne sont pas du même avis.
Bruno Le Maire garde espoir. Le ministre de l’Économie rencontre à partir de ce vendredi ses homologues européens lors d’un sommet informel à Tallinn (Estonie). Le locataire de Bercy espère créer un consensus autour d’un sujet sensible : celui de la taxation des entreprises du numérique, à savoir Google, Amazon, Facebook ou encore Apple (rassemblées sous l’acronyme GAFA, même si leurs activités sont très différentes).
« On ne peut pas accepter que d’un côté, la PME de Guingamp paye rubis sur l’ongle ses impôts en France et que de l’autre, des géants qui font des millions d’euros de chiffre d’affaires payent des sommes dérisoires » a lancé le ministre jeudi. Il se réfère notamment au très faible montant acquitté l’année dernière par Airbnb auprès du fisc. La plateforme de location en ligne n’a eu à régler – en toute légalité - que 92.000 euros d’impôts alors qu’elle propose 400.000 annonces en France, son deuxième marché mondial.
Bercy entend donc changer les règles du jeu, et envisage la création d’une taxe sur le chiffre d’affaires réalisé en France par ces entreprises. Par exemple, Facebook pourrait être imposé en fonction du nombre de clics des internautes français sur les publicités du réseau social. Pour l’instant, ces revenus partent en Irlande, pays où la fiscalité est plus avantageuse, puis… aux îles Caïmans. « La proposition [de Bruno Le Maire] peut être mise en œuvre rapidement » veut croire le ministère de l’Économie et des Finances.
Qui veut de cette taxe ?
L’optimisme du gouvernement doit être relativisé. « En matière fiscale, l’Union européenne fonctionne avec la règle de l’unanimité » rappelle Dominique Plihon, économiste et porte-parole d’Attac. Pour que la taxe soit mise en place, la France devra donc convaincre des pays comme le Luxembourg, les Pays-Bas ou… l’Irlande, dont les économies dépendent en partie de pratiques fiscales avantageuses envers les multinationales.
En cas de blocage, un « dispositif de secours » existe : la procédure de «coopération renforcée ». Elle permettrait à plusieurs pays de l’UE d’appliquer volontairement la taxe, sans qu’elle s’impose à tous les autres États-membres. Mais là encore, ce ne sera pas si simple.
Pour que cette procédure soit valable, « il faut qu’au moins neuf États appliquent la taxe » note Dominique Plihon. Et pour l’instant, la France n’a réussi à convaincre que l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne. Il faudrait donc rallier au moins cinq pays de plus. « On a des signaux positifs d’autres États qui sont prêts à soutenir cette démarche » assure une source à Bercy.
Éviter les failles juridiques
La survie de la taxe sur les géants du numérique nécessitera donc beaucoup d’efforts diplomatiques de la part de Paris, qui table sur une avancée rapide du projet. « L’objectif, c’est que la Commission européenne [qui possèdele quasi-monopole de la « proposition législative » dans l’UE] produise un texte fin 2017, début 2018 » explique le ministère de l’Économie et des Finances.
Avant cela, le mécanisme et la base imposable de la taxe devront être précisés car « en matière fiscale, le diable est souvent dans les détails » rappelle Dominique Plihon. Les entreprises américaines savent en effet profiter de moindres failles de la législation. Illustration avec Google : en juillet dernier, la firme a remporté une première manche judiciaire face au fisc, qui lui réclamait 1,15 milliard d’euros. Le tribunal avait estimé que Google ne disposait pas d’un « établissement stable » en France, une notion juridique qui permet d’apprécier le niveau d’imposition des sociétés. Bercy est prévenu : pour être efficace, la future taxe devra être très solide sur le plan juridique.