Privatisation d'Engie: Et maintenant, à qui le tour?
ECONOMIE•En cédant mardi 4,5 % du capital d’Engie, l’État a donné le coup d’envoi d’une série de privatisations totales ou partielles…C.P. avec AFP
L'essentiel
- L’Etat a cédé pour 1,53 milliard d’euros du capital du groupe Engie.
- Le gouvernement espère ainsi récupérer dix milliards d’euros en vendant une partie des actions qu’il détient dans les grandes entreprises françaises.
- Cette somme devrait être réinjectée pour financer l’innovation.
Les grandes manœuvres ont commencé. En cédant mardi pour 1,53 milliard d’euros du capital du groupe Engie (ex-GDF Suez), l’Etat a lancé le vaste mouvement de cessions de participations publiques prévu pour financer l’innovation.
Un objectif de 10 milliards d’euros
Dix milliards d’euros : c’est le montant que le gouvernement a prévu de récupérer en vendant une partie des actions qu’il détient dans les grandes entreprises françaises, une somme qui doit en principe être injectée dans un fonds destiné à financer l’innovation, promis par Emmanuel Macron pendant la campagne.
Ces cessions permettront « au contribuable de savoir que son argent est placé pour le futur et non pas pour le passé », a assuré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, en confirmant fin août, sans précision sur les entreprises concernées, que les grandes manœuvres débuteraient « dans les prochaines semaines ».
C’est finalement Engie qui a ouvert le bal, dès mardi. Selon l’Agence des participations de l’Etat (APE), chargée de gérer le portefeuille public, 4,5 % du capital du groupe énergétique a ainsi été cédé, pour un montant de 1,53 milliard d’euros.
Plusieurs grands groupes dans le viseur
Quelles seront les autres entreprises qui pourraient être partiellement ou totalement privatisées dans les semaines à venir ? Tour d’horizon des groupes qui pourraient sortir du giron public.
Renault. Pour obtenir des droits de vote double, l’Etat a fait passer en 2015 de 15,01 % à 19,74 % sa participation dans le groupe automobile. L’opération, évaluée à 1,2 milliard d’euros, avait été présentée comme transitoire. Mais la revente des titres n’a toujours pas eu lieu, faute de conditions de marché favorables - le titre évoluant actuellement autour de 75 euros, contre 86 euros lors de l’opération.
Aéroports de Paris. C’est l’une des principales pistes évoquées pour permettre à l’Etat actionnaire de dégager des marges de manœuvre. Actuellement, 51 % du capital d’Aéroports de Paris se trouvent dans le giron public. Mais ce niveau pourrait sensiblement baisser. ADP « n’a pas d’intérêt stratégique pour l’Etat » et sa vente « pourrait rapporter beaucoup », souligne à l’AFP Christopher Dembik, économiste chez Saxo banque, qui rappelle qu’Emmanuel Macron avait songé à une telle opération en 2015. Pour céder ses parts, l’État devra au préalable faire voter un texte l’autorisant à descendre sous le seuil des 50 % exigé par la loi. Et vaincre les éventuelles réticences des syndicats d’ADP.
Orange. « Orange n’est ni une entreprise du secteur nucléaire ou de la défense, ni une entreprise assurant un service public en monopole », déclarait en avril Emmanuel Macron au site spécialisé Electronlibre, ajoutant que la part de l’Etat dans le groupe pouvait « évoluer ». L’Etat détient, directement et indirectement, près de 23 % du numéro un français des télécoms, une participation valorisée aux alentours de 9 milliards d’euros. Pour Eric Beaudet, analyste chez Natixis, il faudrait que la cession soit « progressive et ordonnée » pour éviter de faire chuter le cours de Bourse. « Une petite cession d’une partie que l’Etat possède ne changerait rien à son influence au sein du groupe », souligne-t-il. Le PDG du groupe, Stéphane Richard, insiste d’ailleurs pour une sortie de l’Etat, un actionnaire jugé encombrant.
La Française des jeux. Evoquée depuis une dizaine d’années, la cession d’une partie de la Française des jeux par l’Etat, qui possède 72 % de l’opérateur, est revenue sur le tapis ces dernières semaines, sur fond de résultats record pour l’entreprise : 14,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016. La FDJ fait partie « des pistes intéressantes », susceptibles de séduire « de nombreux investisseurs », estime ainsi Christopher Dembik. Seul bémol, pour l’Etat : réduire sa participation impliquerait de revoir à la baisse les dividendes qu’il perçoit chaque année de l’opérateur. Soit près de 130 millions d’euros, bon an mal an.
CNP Assurances. L’Etat possède actuellement 1,1 % du capital du premier assureur de personnes en France via l’APE, et 40,8 % via la Caisse des dépôts. Un niveau jugé trop élevé par la Cour des comptes. Cela pourrait pousser l’Etat à vendre les 1,1 % détenus l’APE, avec à la clé un gain de 150 millions d’euros.
DCNS. Actuellement, l’État contrôle 63 % du constructeur naval aux côtés de Thales, qui en possède 35 %. Mais Thales souhaite que soit revu cet équilibre. Jusqu’à présent, Bercy s’est refusé à le faire, mais une évolution reste possible.
Thales. La participation de l’Etat dans le constructeur aéronautique, dont il possède 26 %, est valorisée à plus de 5,1 milliards d’euros. De quoi récupérer une belle somme en cas de baisse de participation. Mais l’entreprise est stratégique. Et une cession partielle de ces titres impliquerait une rupture du pacte d’actionnaires conclu avec la famille Dassault, qui prévoit que celle-ci possède une part inférieure à l’Etat. A moins qu’elle ne vende aussi une partie de sa participation.
Un calendrier et projet « un peu nébuleux »
Pour l’heure, les contours du fonds de 10 milliards d’euros et le calendrier prévu pour les cessions restent toutefois flous. « On ne sait pas quelle forme le fonds va prendre, ni qui le gérera », confie à l’AFP un haut fonctionnaire, qui assure que le futur dispositif est encore « un peu nébuleux pour tout le monde ».
L’entourage de Bruno Le Maire assure de son côté que sa mise en place devrait se faire « dans le mois », le temps de régler quelques points juridiques. En attendant, les gains des cessions comme celle d’Engie mardi sont placés dans un compte d’affectation spécial.