«Le problème ne s'est pas posé»: La bourde du PDG de Véolia sur l’apprentissage
ENTREPRISES•Antoine Frérot a dû sortir les rames pour se justifier…Nicolas Raffin
C’est ce qu’on appelle une belle erreur de communication. Ce mercredi matin, Antoine Frérot, patron du géant Véolia, spécialisé dans la gestion de l’eau et des déchets, était invité sur France Inter. Au détour d’un échange avec les auditeurs, le PDG se plaint de ne pas avoir été interrogé sur l’apprentissage.
Présente dans le studio, la journaliste Léa Salamé saute sur l’occasion : « Est-ce que vous avez poussé l’un de vos enfants à être apprenti ? » lance-t-elle à Antoine Frérot. Sa réponse est claire : « Non, je ne l’ai pas fait, parce que, étant brillants à l’école, heu, et, heu, l’un voulant être médecin, l’autre… peut-être ma dernière le sera d’ailleurs, apprentie, mais en études supérieures. Le problème ne s'est pas posé ».
Mauvais timing
Si le PDG a ensuite affirmé qu'il regrettait que ses propos aient pu choquer et que son entreprise était une championne de l’apprentissage, sa déclaration a immédiatement été reprise – et parfois détournée – sur les réseaux sociaux. Plusieurs internautes y ont vu un mépris flagrant pour cette filière :
aCette polémique est d’autant plus gênante que Véolia a récemment fait la promotion de ses campus privés pour former ses apprentis. Et il y a deux jours, Antoine Frérot accordait une interview à l’Opinion où il expliquait qu’« en France, on manque de figures incarnant la réussite de l’apprentissage »…
Ségrégation sociale
Au-delà de cette petite phrase sur les enfants « trop brillants » pour être apprentis, il y a une réalité : la grande majorité des apprentis a une origine sociale modeste. Dans un article paru en 2010, la chercheuse Prisca Kergoat montre que plus de 60 % des élèves en CAP ou BEP ont un père ouvrier ou employé. Moins de 10 % des apprentis dans ces filières ont un père cadre (voir graphique ci-dessous).
Le document de recherche montre même que plus le niveau d’apprentissage est élevé (ingénieur par exemple), moins les enfants d’ouvriers et d’employés sont présents. « Les apprentis du « haut » n’ont jamais été des apprentis du « bas » » note la chercheuse. Un défi de plus pour le gouvernement, qui a prévu de lancer un grand plan de formation cette année.