EMPLOITravailleurs détachés: Macron peut-il vraiment obtenir ce qu’il veut ?

Travailleurs détachés: Emmanuel Macron peut-il vraiment obtenir ce qu’il veut?

EMPLOILes négociations pour revoir la directive s’annoncent compliquées…
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

L'essentiel

  • Emmanuel Macron a promis de réformer la directive sur les travailleurs détachés.
  • Il s’est lancé dans une tournée à l’Est pour convaincre les pays les plus réticents.
  • Le temps pour parvenir à un compromis est assez court.

A l’Est, va-t-il y avoir quelque chose de nouveau ? Emmanuel Macron, lui, en est persuadé. Cette semaine, le président est en tournée pour convaincre plusieurs pays de se rallier à sa réforme de la directive sur les travailleurs détachés, qui est une promesse de campagne. Il doit faire étape en Roumanie ce jeudi, puis en Bulgarie le lendemain.

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Ces deux pays n’ont pas été choisis au hasard. La Roumanie est l’un des Etats européens qui « envoie » le plus de travailleurs détachés en France : en 2015, 30.600 Roumains avaient ce statut dans l’Hexagone d’après le ministère du Travail. Or Paris, tout comme Berlin et Vienne, estiment que la forme actuelle de la directive a permis la création d’un dumping social au sein de l’Europe, à cause des différences de cotisations sociales suivant les pays. Le travailleur détaché doit en effet payer ces charges dans son pays d’origine, ce qui donne parfois lieu à des abus.

Voie médiane

Actuellement, un travailleur détaché peut garder ce statut pendant trois ans au maximum. En plus de renforcer la lutte contre la fraude, Emmanuel Macron souhaite ramener cette durée à un an. C’est pour cela qu’il s’oppose à la proposition de la Commission, qui est de deux ans, et qu’il a fait bloquer un vote à Bruxelles peu après son élection.

Sa démarche peut-elle aboutir ? Elisabeth Morin-Chartier, rapporteure au Parlement européen sur la révision de la directive, le met en garde : « L’Union européenne, ce n’est pas comme la France, où le gouvernement s’appuie sur sa majorité à l’Assemblée, explique-t-elle à 20 Minutes. Ici, il faut à la fois convaincre les États, mais aussi les parlementaires. Par exemple, si le gouvernement d’ Angela Merkel est plutôt d’accord pour revoir le statut des travailleurs détachés, ce n’est pas forcément le cas des eurodéputés allemands ».

Le pari de Macron

Selon l’eurodéputée des Républicains, Emmanuel Macron doit aussi faire attention au timing des négociations. « Pour l’instant, c’est l’Estonie qui assure la présidence [tournante] du Conseil de l’Union européenne. Les Estoniens travaillent sur la directive depuis plusieurs mois parce qu’ils ont vraiment envie de la faire aboutir. Mais le 1er janvier 2018, c’est la Bulgarie qui prendra la présidence ». Or ce pays défend le statut actuel des travailleurs détachés : il pourrait donc entraver les négociations.

Conclusion d’Elisabeth Monin-Chartier : « Ne rejouons pas ce qui s’est passé en 2008 sur l’harmonisation du temps en travail au niveau européen. Les négociations ont traîné, et la directive n’a jamais été révisée ». En clair, en refusant le compromis de la Commission sur le travail détaché, Emmanuel Macron prendrait le risque de tout perdre.

Calcul de majorité

Porte-parole du groupe socialiste belge au Parlement européen, Emmanuel Foulon se montre moins alarmiste. « Les eurodéputés ne sont pas ceux qui posent le plus de problèmes, argumente-t-il. Emmanuel Macron a raison de plus se soucier de la position des Etats ».

En effet, pour que la révision de la directive soit adoptée au Conseil de l’UE, il faut obtenir l’approbation d’au moins 16 Etats (sur 28) représentant 55 % de la population. Sachant que si au moins quatre Etats (représentant au moins 35 % de la population) votent contre la proposition, cette dernière est abandonnée. Pas surprenant alors de voir Emmanuel Macron tenter de rallier le maximum de pays à sa position.