Comment votre taxe d'habitation ou votre taxe foncière pourrait exploser...ou diminuer
FISCALITÉ•L’impôt repose sur des valeurs obsolètes…Nicolas Raffin
L'essentiel
- Le calcul de cet impôt local dépend de valeurs définies en 1970
- Le ministère de l’Économie et des Finances a déjà lancé plusieurs simulations
- La réforme pourrait suivre celle entamée pour les locaux professionnels
Au moment où le gouvernement met en avant la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, le mode de calcul de cet impôt et de celui de la taxe foncière est toujours sujet à débat. Ce mardi, Bruno Parent, le directeur général des Finances publiques (DGFiP) a d’ailleurs abordé la thématique au moment de présenter le rapport d’activité 2016 de sa direction.
Alors que les locaux à usages professionnels (commerces, supermarchés, ateliers, etc.) ont vu leur valeur réajustée cette année, « les locaux d’habitation, c’est le coup suivant » a reconnu Bruno Parent. Le haut fonctionnaire ne s’est néanmoins pas aventuré sur un calendrier précis : « Vous dire aujourd’hui le temps qu’il nous faudra [pour la réforme], j’en suis incapable. Ce sont des délais forcément longs » a-t-il affirmé.
Si seulement 20% des ménages seraient concernés par cette réforme dans le cadre de la taxe d'habitation, tous les propriétaires - environ deux tiers des Français - seraient touchés par l'évolution de la taxe foncière.
Grand chamboulement
Le sujet est très sensible. Pour rappel, le montant de la taxe d’habitation, comme celui de la taxe foncière, repose sur la «valeur locative cadastrale ». Cette valeur correspond à un « loyer fictif » attribué à tous les logements suivant plusieurs critères (taille, quartier, étage, confort etc.). Problème : en 2017, cette valeur est encore calculée « à partir des conditions du marché locatif au 1er janvier 1970 ». Autrement dit, la taxe d’habitation repose sur des bases datant de 47 ans et qui n’ont jamais été remises à plat, alors que le marché immobilier a complètement changé.
Revoir ce mode de calcul entraînerait un grand chamboulement. « Des personnes qui payaient une taxe d’habitation très faible pourraient être amenées à payer beaucoup plus » souligne Nathalie Giraud, juriste du site pap.fr.
Par exemple, de nombreux logements dans les centres-villes – qui étaient beaucoup moins valorisés en 1970 - ont une taxe d’habitation inférieure à ceux des HLM. D’où des situations parfois ressenties comme étant injustes : « Les communes plutôt riches ont un taux de taxe d’habitation relativement faible, alors que les collectivités plus pauvres ont un taux plus élevé » remarque Michel Fréchet, président de la Confédération générale du logement (CGL), qui a réalisé une étude sur le sujet.
Des gagnants et des perdants
Si l’on prend l’exemple du changement de calcul de la taxe foncière pour les locaux professionnels, on a un avant-goût de ce qui pourrait arriver pour les logements. Avec la révision, les boutiques des centres commerciaux devraient ainsi voir leur taxe augmenter en moyenne de 47 % d’ici 10 ans, d’après des simulations réalisées par Bercy. En revanche, d’autres professionnels devraient voir leur taxe baisser, comme les très grandes surfaces (-16 %) ou les hôtels 1 étoile (-8,6 %).
En ce qui concerne le calcul pour les logements, Bercy a également avancé sur le sujet. Suite à des simulations réalisées dans plusieurs départements (Charente-Maritime, Nord, Orne, Paris et Val-de-Marne), un rapport a été publié en février 2017. Selon le document, la « valeur locative » augmenterait de 151 % en moyenne pour les logements du parc privé.
Chantier immense
Cela ne veut pas nécessairement dire que le montant de la taxe d’habitation exploserait : comme pour les locaux professionnels, des mesures de correction pourraient être prises pour limiter les hausses et les baisses d’impôts. Si le gouvernement décide de s’engager dans cette réforme, le chantier s’annonce immense : la DGFiP dénombre pas moins de 35 millions de logements (maisons et appartements) en France, contre seulement 7 millions de locaux professionnels.