Présidentielle: Les trois grands débats autour de l’assurance-chômage
EMPLOI•Plusieurs candidats veulent réformer profondément le système…Nicolas Raffin
Le mois dernier, Pôle emploi comptabilisait 3,46 millions de chômeurs inscrits en catégorie A. Même si leur nombre a diminué de 115.000 sur un an, le déficit cumulé de l’Unédic se cesse de se creuser et s’approche des 30 milliards d’euros. Aujourd’hui, seulement 43 % des inscrits à Pôle emploi perçoivent des allocations, car il faut avoir cotisé au moins quatre mois sur les 28 derniers. Evidemment, les candidats à la présidentielle se divisent sur les remèdes à apporter, en particulier sur trois points bien précis.
Gestion paritaire ou étatique ?
Pour l’instant, les syndicats et le patronat se partagent la gestion de l’assurance-chômage, et sont également en charge des négociations pour la réformer. Si Benoit Hamon et Marine Le Pen veulent le statut quo, Emmanuel Macron et François Fillon ont ouvert la porte à une reprise en main par l’Etat de la gestion du système. « Le paritarisme est un peu biaisé » note Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l’OFCE.
« Il y a toujours l’idée que l’Etat sera toujours là quoi qu’il arrive même si le déficit est abyssal, poursuit l’économiste. Un paritarisme plus strict supposerait que les comptes soient toujours à l’équilibre, mais en période de chômage de masse c’est une mauvaise idée ». En effet, plus il y a de chômeurs à indemniser, plus le déficit se creuse : couper brutalement les allocations pour réduire les dépenses et atteindre l’équilibre risquerait alors d’aggraver encore plus la situation des personnes sans emploi. Selon Eric Heyer, « si l’Etat avait la main, cela permettrait de prendre des décisions plus rapides. Mais il se priverait du point de vue des entrepreneurs et des salariés ».
Faut-il un renforcement des contrôles ?
François Fillon a promis d’aggraver les sanctions pour les fraudeurs, et Emmanuel Macron propose des contrôles étendus. « Dans le contexte actuel, cette proposition est inutile, tranche Eric Heyer. Le contrôle, il faut le durcir quand le chômage baisse : il y a alors moins de chômeurs, il y a des créations d’emplois, donc c’est facile de voir ceux qui ne jouent pas le jeu. Mais actuellement ça ne sert à rien ».
Cependant, d’autres économistes défendent la nécessité d’un renforcement des contrôles.Interrogé par 20 Minutes en 2015, Gilbert Cette, professeur d’économie à l’université d’Aix-Marseille, expliquait que « dans la mesure où certaines personnes bénéficient de prestations financées par les dépenses publiques, il est logique de vérifier si elles remplissent les conditions d’éligibilité à ces allocations. Mais ce n’est pas une solution miracle ». Selon Pôle Emploi, la fraude représentait 0,3 % des allocations versées en 2013.
Faut-il une couverture plus large des chômeurs ?
Jean-Luc Mélenchon propose d’indemniser les chômeurs dès le premier jour, même ceux qui ont volontairement démissionné de leur emploi. Emmanuel Macron formule quasiment la même proposition, en précisant qu’elle ne serait valable qu’une fois tous les cinq ans pour un salarié donné.
Pour Eric Heyer, cette réforme mettrait fin à une hypocrisie : « Actuellement, il y a une discrimination entre un employé qui s’entend bien avec son patron et qui part avec une rupture conventionnelle [ouvrant droit au chômage], et un autre à qui son patron refuse la rupture conventionnelle et qui se retrouve sans rien s’il démissionne. La réforme enlèverait un peu d’injustice ».
En revanche, l’économiste se montre très sceptique sur la proposition de François Fillon qui veut baisser progressivement les allocations chômages pour « inciter » les chômeurs à chercher du travail. « Aucune étude économique ne dit que la dégressivité des allocations favorise la reprise d’emploi, assène-t-il. On peut les contester, mais alors cela relève de la pure conviction politique. ».
Néanmoins, l’économiste (et membre des Républicains) Christian Saint-Etienne, interrogé par Le Parisien en 2016, estimait que cette mesure pouvait avoir une place, à condition de s’inscrire dans une politique globale de l’emploi. Selon lui, « la dégressivité des allocations-chômage doit être couplée à une politique fiscale qui favorise l’investissement, ainsi qu’à une réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle ».
Et les indépendants alors ?
Emmanuel Macron, Benoit Hamon et François Fillon proposent de donner une protection aux indépendants. Le candidat d’En Marche et le leader socialiste veulent les rattacher à l’Unédic, avec deux systèmes différents : avec Macron, les cotisations chômages disparaîtraient, remplacées par la hausse de la CSG. Avec Hamon, chacun paierait des cotisations.
François Fillon, pour sa part, propose de conserver le RSI (régime social des indépendants), et d’y ajouter une assurance-chômage qui serait facultative. Les indépendants pourraient donc choisir de cotiser ou non.