LocationLa baisse des loyers empêche-t-elle les bailleurs de rénover les logements?

Logement: La baisse des loyers empêche-t-elle vraiment les propriétaires de rénover les logements?

LocationLes bailleurs privés craignent un manque de moyens pour rénover les logements…
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

Comment se porte le marché de la location ? L’observatoire privé Clameur, regroupant 33 sociétés partenaires (Century 21, Bouygues Immobilier, Foncia, etc), s’est penché en ce début d’année 2017 sur l’évolution des loyers des logements loués vides, grâce à une base de données riche de 4 millions de références locatives.

Résultats de l’étude : sur la période janvier-février, les loyers des 2 pièces et 3 pièces, soit 61 % du marché, sont en baisse (-0,6 % par rapport au début d’année 2016). Ceux des petites surfaces (studio et une pièce) enregistrent une progression de 1,1 %.

En prenant une période de temps plus longue (2007 – 2017), Clameur constate que la hausse des loyers, tous logements confondus, a été inférieure à l’inflation (+1,1 % contre +1,2 %). Une tendance qui devrait réjouir les locataires, mais qui inquiète les loueurs : « les recettes ne sont plus à la hauteur des ambitions que l’on peut avoir pour le parc locatif » affirme Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université de Paris-Ouest, et auteur de l’étude.

L'observatoire note un net ralentissement de l'augmentation des loyers depuis 2007.
L'observatoire note un net ralentissement de l'augmentation des loyers depuis 2007. - Clameur

Un manque de rénovation ?

Selon Clameur, la baisse des loyers – ou leur hausse insuffisante - risque d’avoir de graves conséquences : « On craint que les obligations de maintenance du patrimoine, par exemple les gros travaux de remise en état, ne puissent être effectuées si les recettes locatives progressent peu » poursuit Michel Mouillart. Autrement dit, les bailleurs privés redoutent une détérioration des logements par manque de rénovation.

Pour étayer sa thèse, l’observatoire avance le chiffre suivant : chaque année depuis 2014, moins de 20 % des logements ont fait l’objet de travaux de rénovation ou d’entretien entre deux locations. La part tombe même à 14,1 % (cf graphique ci-dessous) pour le début 2017. Faut-il alors s’attendre à une mise en œuvre difficile de la loi sur la transition énergétique, faute d’aménagements suffisants dans les logements ?

La part de logements reloués après travaux a lourdement chuté ces dernières années.
La part de logements reloués après travaux a lourdement chuté ces dernières années. - Clameur

« Le logement est considéré comme un produit »

Cette vision est rejetée par Michel Fréchet, président de la Confédération générale du logement (CGL), une association nationale de défense des consommateurs et notamment des locataires. « Entre 2000 et 2010, les loyers du secteur privé ont littéralement explosé en France, expose-t-il, donc même si au cours des dernières années, cela a baissé, cela n’efface pas la hausse qui a duré de nombreuses années ».

Une analyse tempérée par les chiffres de l’Insee. Si l’institut note bien une évolution supérieure des loyers par rapport à celle prix à la consommation, il remarque par ailleurs que l’augmentation des loyers s’est faite « à un rythme proche du niveau de vie moyen ».

En outre, Michel Fréchet formule l’hypothèse « qu’au lieu d’investir dans le développement durable, les bailleurs préfèrent acheter de nouveaux biens pour augmenter leur capital. Les bailleurs privés sont dans une logique financière, explique-t-il. Le logement est considéré comme un produit sur lequel on peut faire des bénéfices. »

Un loyer qui pèse de plus en plus

Au-delà de cette opposition entre associations et bailleurs, une réalité : le logement reste le principal poste de dépenses des ménages. D’après l’Insee, en 2013 (derniers chiffres disponibles en pdf), un ménage en location dans le secteur privé consacrait en moyenne 28 % de son revenu au paiement du loyer, ce que l’on appelle le « taux d’effort ».

Depuis 2001, ce taux a même progressé de 4,8 points pour les locataires du secteur privé (hors logement social), et touche plus lourdement les familles avec des faibles revenus.