Que se passe-t-il quand un salarié n’est plus payé par son employeur?

Que se passe-t-il quand un salarié n’est plus payé par son employeur?

INTERVIEWThierry Méteyé, directeur national de l’AGS, explique comment fonctionne le régime de garantie des salaires…
Céline Boff

Propos recueillis par Céline Boff

Ils survivent depuis plus de deux mois sans aucun salaire… 20 Minutes le cauchemar vécu par 48 employés de huit magasins Dia, rachetés par la société Gastt au groupe Carrefour fin mai. Leur en redressement judiciaire et leurs rémunérations non versées vont être prises en charge par . Mais de quoi s’agit-il ? Et des salariés non payés, est-ce fréquent ? 20 Minutes a posé la question à Thierry Méteyé, directeur national de l’AGS.

Qu’est-ce que l’AGS ?

Le régime de garantie des salariés (AGS) est un organisme patronal, opérationnel depuis le 1er mars 1974. Il intervient pour garantir aux salariés le paiement de leurs créances impayées en cas de défaillance de leur employeur. Concrètement, nous avançons aux salariés les fonds correspondant aux arriérés de salaires dus, puis nous nous chargeons de recouvrer ces sommes auprès de l’employeur.

Les employés de Gastt n’ont pas été payés depuis début juillet, mais vous allez prendre en charge leurs créances seulement dans les jours qui viennent. Pourquoi attendre aussi longtemps ?

Parce que nous ne pouvons agir qu’à la suite de l’ouverture d’une procédure collective, que ce soit un redressement judiciaire, une liquidation judiciaire ou une procédure de sauvegarde. Plus précisément, lorsque le tribunal de commerce décide d’ouvrir une procédure collective, il désigne un . Ce mandataire établit un relevé de créances salariales qu’il transmet à l’AGS. Nous lui confions alors les fonds correspondant aux créances et il les reverse immédiatement aux salariés bénéficiaires. Dans le cas de Gastt, le mandataire va nous signaler l’affaire en procédure d’urgence et nous interviendrons le plus rapidement possible : dans un délai de 5 jours, à compter de la réception de la demande.

Rien n’est donc prévu dans le système français pour que les salaires soient pris en charge avant l’ouverture d’une procédure judiciaire ?

Non, il y a effectivement un vide juridique. Mais c’est parce que ce type d’affaire est – bien heureusement – extrêmement rare. Ne pas payer ses salariés pendant plus d’un mois est très grave et ce n’est pas du tout le phénomène traditionnel.

Quel est le phénomène traditionnel ?

L’employeur confronté à des difficultés sérieuses dépose généralement le bilan de son entreprise à la fin du mois, le 30 ou le 31. L’entreprise étant en cessation de paiements, les salaires correspondant au dernier mois travaillé, généralement versés entre le 1er et le 5, ne sont donc pas payés. Mais parallèlement, la procédure est déjà lancée auprès du tribunal et l’AGS prend donc en charge les créances dans la foulée. Les salariés passent donc « seulement » un mois, au maximum, sans rémunération.

Que prenez vous en charge ?

Le salaire, les congés payés, l’intéressement, la participation et, s’il y a un , les indemnités liées à la rupture du contrat. Je précise que les salariés bénéficient de la protection de l’AGS quelle que soit la situation de leur employeur, que ce dernier soit à jour de ces cotisations ou non.

Quel est votre taux de recouvrement ?

Sur les salaires et les congés payés, notre taux de recouvrement est de 53 %. Sur l’ensemble des créances (salaires mais aussi intéressement, participation, indemnités de licenciement), nous récupérons 33 %. Autrement dit, le tiers de notre budget, soit 700 millions d’euros, provient de la récupération auprès des entreprises des sommes que nous avons avancées aux salariés. Les deux tiers restants, soit 1,4 milliard d’euros, proviennent des cotisations des employeurs. Tous les employeurs de droit privé, à l’exception , sont aujourd’hui assujettis à l’AGS et doivent lui verser l’équivalent de 0,25 % de leur masse salariale.

Combien de salariés sont-ils concernés par des salaires non versés ?

L’an dernier, nous sommes intervenus dans 26.589 affaires et 251.070 salariés ont bénéficié de la garantie AGS. Nous avons au total avancé 2,063 milliards d’euros. C’est une somme importante. Mais depuis le second semestre 2015, nous observons un ralentissement du nombre des procédures collectives donnant lieu à une intervention de l’AGS.

Le climat est donc en train de s’améliorer ?

Effectivement mais ce qui nous inquiète, c’est que les entreprises possèdent de moins en moins d’actifs. Et puis, l’an dernier, 87 % des entreprises auprès desquelles nous sommes intervenus avaient moins de 10 salariés : il s’agit de petits commerces ou de sociétés de conseil qui ne sont pas propriétaires de leurs locaux et qui ne possèdent aucun équipement. Elles n’ont aucun bien et cela est problématique en termes de …