FINANCEUn trader recourt à des malades pour empocher 90 millions d'euros

Etats-Unis: Un trader recourt à des malades en phase terminale pour empocher 90 millions d’euros

FINANCEVisé par une enquête de la SEC, le gérant d’un fonds spéculatif new yorkais avait mis au point un système particulièrement cynique…
Céline Boff

C.B.

Donald Lathen est sans aucun doute un investisseur cynique. Mais est-il un véritable fraudeur ? C’est l’avis de la SEC, le gendarme de la bourse américaine, qui a ouvert une enquête sur ce New-Yorkais de 48 ans, gérant d’un fonds spéculatif baptisé Eden Arc Capital Management.

En 2011, l’homme met au point un système pensé pour être lucratif. Et il l’est : ce schéma lui permet d’empocher plus de 100 millions de dollars, soit près de 90 millions d’euros, en moins de cinq ans.

Comment ? D’abord en nouant une série de contacts dans des hôpitaux, notamment auprès des infirmiers. Ces derniers devaient l’informer dès qu’ils rencontraient des patients dont l’espérance de vie était d’environ six mois.

Une option très prisée

Donald Lathen entrait alors en contact avec ces patients. Il leur proposait un marché simple : 10 000 dollars, soit 9 000 euros, versés immédiatement en échange de leur signature. Cette dernière permettait au financier d’acheter des obligations.

Mais pas n’importe où : il les acquérait seulement sur le marché secondaire, c’est-à-dire celui d’occasion. Et Lathen n’achetait pas n’importe quels produits financiers, mais seulement ceux comportant une « death put », soit une clause de décès.

Cette clause a le vent en poupe aux Etats-Unis. En cas de décès de l’investisseur, elle permet à tout héritier – ou co-investisseur comme c’était le cas avec Lathen – d’obtenir le remboursement de l’obligation à son prix initial.

Les investisseurs seniors en raffolent car cette option évite à leurs héritiers des démarches compliquées pour revendre les produits sur le marché secondaire. Et les émetteurs l’apprécient aussi, car en cette période de taux d’intérêt à la hausse, elle leur évite la plupart du temps de verser un escompte significatif.

Dans son système, Lathen achetait des obligations à prix bradés sur le marché secondaire et, lors du décès du co-investisseur, écrivait à la société émettrice pour faire jouer la clause de décès. Cette dernière lui remboursait alors les obligations à leur prix initial.

« Cette stratégie d’investissement était complètement légitime »

Ce système, terriblement cynique, est-il pour autant illégal ? Non, selon les avocats de Lathen : « Nous sommes convaincus que cette stratégie d’investissement était complètement légitime et ne violait aucune loi, et nous sommes vigoureusement résolus à le défendre contre les accusations sans mérite de la SEC », arguent-ils.

Oui, pour la SEC : « Quand un patient décédait, Lathen affirmait aux émetteurs que lui et la personne en phase terminale étaient copropriétaires des comptes. Cela était faux : les obligations étaient achetées par le fonds spéculatif Eden Arc Capital Management géré par Lathen, qui était donc le seul et véritable propriétaire de l’option des investissements ».

Un juge administratif doit prochainement se prononcer sur l’affaire.