L'Oréal et les pépites américaines de la cosmétique: parce qu'elles le valent bien
•Urban Decay, NYX, et maintenant IT Cosmetics: L'Oréal multiplie les acquisitions d'étoiles montantes...© 2016 AFP
Urban Decay, NYX, et maintenant IT Cosmetics: L'Oréal multiplie les acquisitions d'étoiles montantes de la cosmétique aux Etats-Unis pour tenter de s'adapter à un marché de la beauté en pleine mutation depuis l'explosion des réseaux sociaux et du e-commerce.
Le géant français, numéro un mondial du secteur, a annoncé vendredi dernier son intention de débourser 1,2 milliard de dollars pour racheter IT Cosmetics, une société de maquillage et de traitements pour peaux à problèmes fondée en 2008.
Ce prix peut paraître onéreux, étant près de 7 fois supérieur au chiffre d'affaires sur 12 mois d'IT Cosmetics à fin juin (182 millions de dollars).
Mais IT Cosmetics est en très forte croissance (+56% sur un an à fin juin), grâce à un réseau de distribution multicanal efficace combinant télé-achat, ventes en ligne et chez de grands détaillants comme Sephora et l'américain Ulta.
"Encore un exemple d'un grand représentant de la beauté qui s'empare d'une petite marque innovante et à succès, avec une pointe d'originalité", ont commenté les analystes de Société Générale.
La semaine dernière, le néerlandais Unilever a pour sa part mis la main sur une autre start-up américaine, Dollar Shave Club, leader américain de la vente en ligne de rasoirs masculins. Montant de la transaction: un milliard de dollars, soit le septuple du chiffre d'affaires annuel de la société.
Avec le numérique, "les barrières à l'entrée que sont le marketing et la distribution sont complètement changées", entraînant une "ubérisation" du marché de la beauté, estime Thomas Owadenko, PDG de la start-up Octoly, qui sert d'intermédiaire entre des marques et des "influenceurs" beauté du web.
La plupart de ces influenceurs sont des consommatrices passionnées de produits de beauté, jeunes pour la plupart, à l'instar de leur public, les "millennials", la génération qui a grandi avec internet dans les années 2000, puis avec les smartphones et les selfies.
- Des marques 'hackers' -
Pour les attirer, les grands groupes de cosmétiques ont commencé par nouer des partenariats promotionnels avec des célébrités des réseaux sociaux, comme L'Oréal avec la youtubeuse américaine Michelle Phan ou la française Enjoy Phoenix, ou Estée Lauder avec l'instagrameuse Kendall Jenner.
Au lieu de ça, des marques américaines de niche comme Tarte, Too Faced, E.L.F. Cosmetics, Anastasia Beverly Hills ou IT Cosmetics ont misé sur des influenceuses moins connues, mais à la popularité grandissante, et plus proches de leurs cibles d'audience.
Ces marques leur mettent gratuitement à disposition leurs nouveaux produits, pour les tester et les commenter sur les réseaux sociaux. Une stratégie marketing peu coûteuse qui s'est avérée très lucrative.
"Les nouvelles marques américaines sont de véritables +hackers+ de la beauté. Elles détournent les codes, ont une créativité débridée, surfent rapidement sur les tendances et maîtrisent les canaux de distribution alternatifs et les réseaux sociaux", confirme Leïla Rochet-Podvin, de la société de conseil Cosmetics Inspiration and Creation, interrogée par l'AFP.
A l'inverse, rester à la pointe des tendances est "un véritable défi pour les marques traditionnelles", car les influenceurs beauté "aiment dénicher des produits originaux et inédits", ajoute-t-elle.
L'Oréal notamment a riposté en rachetant NYX fin 2014, une autre marque américaine de maquillage en vogue, pour s'inspirer de son modèle et développer la marque à l'échelle mondiale.
"On est la petite start-up au sein du groupe L'Oréal", glisse Elise Ducret, directrice de NYX France, dans un entretien à l'AFP.
Chez NYX, pas d'image de marque à proprement parler: toute sa communication "passe par une mise en avant de ses influenceurs et consommateurs", explique Mme Ducret, qui s'appuie en France sur un réseau d'environ 30 influenceuses web, triées sur le volet.
Ces dernières ne sont pas rémunérées, assure Mme Ducret: "Elles ne veulent pas de contrats avec une marque, pour rester crédibles" auprès de leurs communautés en ligne.
En partenariat avec YouTube, L'Oréal Paris a de son côté récemment lancé le "BeautyTube", un atelier en ligne destiné à former des youtubeurs beauté.
De nombreuses marques ou distributeurs de cosmétiques paient des influenceurs pour amplifier leur présence sur les réseaux sociaux. Et certaines, à l'instar de l'américain Sigma Beauty, vont jusqu'à rémunérer leurs influenceurs directement en fonction des ventes qu'elles génèrent. De là à influencer les influenceurs...