DROITEuro 2016: Que risquez-vous à suivre un match au boulot?

Euro 2016: Que risquez-vous à suivre un match au boulot?

DROITEn suivant l’Euro de football pendant vos heures de travail, vous ne prenez pas seulement le risque d’attendre très longtemps avant de voir les Bleus planter leur premier but…
Céline Boff

Céline Boff

Les statistiques ne mentent pas. Et à 20 Minutes, elles sont très claires : hors rencontres de l’Equipe de France, les lives remportant la plus forte audience sont ceux des matches joués entre 15 et 17 heures.

On vous voit venir avec vos « mais ces internautes peuvent très bien être des étudiants, des vacanciers, des retraités et même des grévistes ou des demandeurs d’emploi, vu l’état de la France ! ». Oui, bien sûr. Mais dans le lot, il y a forcément des salariés en poste. C’est le cas lors de chaque compétition sportive.

Le licenciement est possible

Pourtant, suivre l’Euro de football pendant ses heures de travail n’est pas sans risque, comme le confirme Eric Rocheblave, avocat spécialisé dans le droit du travail : « Un salarié qui vaque, sur son lieu de travail, à d’autres occupations que celles confiées par son employeur s’expose à des sanctions disciplinaires qui peuvent aller de l’avertissement jusqu’au licenciement ».

Le licenciement, sérieusement ? Réponse affirmative de Me Rocheblave : « En 2013, la Cour d’appel de Bordeaux a jugé que l’écoute à la radio de matchs de la Coupe du monde de football 2006 rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et constituait une faute grave ».

S’il est donc possible de perdre son emploi pour s’être coltiné un Irlande-Suède pendant son 3x8, cette sanction suprême doit toutefois être proportionnée à la faute commise. En clair, un employeur pourra mettre à pied le chauffeur routier qui a grillé un feu rouge parce qu’il regardait en streaming un match sur son Smartphone, mais certainement pas la secrétaire qui a suivi, sans manquer aucun appel, cette même rencontre via un live écrit en ligne.

L’employeur doit apporter une preuve

Que l’on se comprenne bien : le fait que le salarié suive l’Euro à la radio, sur Internet, sur son portable ou encore à la télévision importe peu. Ce n’est pas le média utilisé qui peut faire la différence en termes de sanction, mais bien les conséquences possibles ou réelles de ce suivi pour l’entreprise. « En cas de recours, c’est cette gravité que le juge va apprécier », résume Eric Rocheblave. Pour fonder sa décision, il s’appuiera également sur d’autres éléments, à commencer par l’ancienneté du salarié ou encore l’autonomie qui lui est généralement allouée, a fortiori s’il est cadre.

En outre, si l’employeur reproche à son salarié d’avoir regardé l’Euro pendant son temps de travail, « il doit en apporter la preuve. La jurisprudence est formelle sur ce point », assure Me Rocheblave, qui cite notamment les arrêts rendus par la Cour d’appel de Colmar en 2009 et par celle de Montpellier en 2012.

Autrement dit, avoir pris en flagrant délit un salarié ne suffit pas pour le sanctionner. Il faut recueillir le témoignage d’un autre collaborateur ou encore produire des documents. Comme l’historique de navigation, si le match a été suivi sur un ordinateur professionnel. « Cet outil appartient à l’entreprise, l’employeur peut donc le vérifier comme il le souhaite. Seuls les documents classés comme relevant de la sphère personnelle, et clairement stipulés comme tel, peuvent échapper à ce contrôle », précise Me Rocheblave. En cas d’absence de preuve et si le salarié nie les faits reprochés, « nous sommes dans une situation de parole contre parole et le doute bénéficiera au salarié », poursuit l’avocat.

Jouer la carte de l’honnêteté

Enfin, si vous avez été injustement sanctionné par votre employeur, sachez que le juge peut annuler cette décision. Mais si elle était allée jusqu’au licenciement, vous ne réintégrerez pas l’entreprise pour autant – le droit français ne le prévoit pas dans ce genre de cas. Vous percevrez en revanche des dommages et intérêts.

Pour s’éviter toutes ces complications, le mieux reste de jouer la carte de l’honnêteté : « Je recommande vivement au salarié d’évoquer sa passion pour le football à son employeur et de lui demander l’autorisation de suivre certains matches. Qui sait, l’entreprise aura peut-être l’idée d’organiser un moment de convivialité autour de la rencontre, avec des pizzas et des bières ».