La gestion des ressources humaines chez Free dénoncée dans une enquête de «Politis»
SOCIAL•L ’hebdomadaire «Politis» a publié ce jeudi une enquête dans laquelle Iliad est accusé d’avoir des pratiques managériales brutales, notamment dans certains centres d'appels. Ce dont se défend l'entreprise...Delphine Bancaud
La réputation du fleuron français des télécommunications, le groupe Iliad (maison mère de Free) risque d’en prendre un coup. Ce jeudi, l’hebdomadaire Politis a publié une enquête à charge dans laquelle Iliad est accusé d’avoir des méthodes de gestion des ressources humaines pour le moins rudes.
Les journalistes détaillent surtout un épisode mouvementé de l’histoire sociale du groupe, entre 2009 et 2010. Après avoir racheté la marque Alice en 2008, dans le cadre de sa stratégie de lancement sur le marché de la téléphonie mobile, Iliad aurait voulu faire « le ménage » dans un centre d’appels marseillais, selon le magazine.
Mais pour s’épargner la longue procédure et le coût d’un plan social, le groupe aurait mis en œuvre une stratégie obscure pour se débarrasser de certains salariés. Baptisé « Marco Polo », ce plan d’attaque aurait consisté à s’entendre avec certains salariés pour aboutir à une rupture conventionnelle, à mettre d’autres sous pression ou à leur imposer une mobilité pour les inciter à partir et à en pousser d’autres encore à la faute afin de monter des dossiers de licenciement.
« On a construit une machine à broyer »
Des affirmations qui émanent notamment de l’ancien responsable des ressources humaines du site marseillais, Giorgio Mariani, qui avoue avoir participé à la mise en œuvre de ce plan et témoigne en son nom après, avoir été lui-même remercié. « Il n’est pas à l’aise avec ce qu’il a fait et a voulu tout dire dans une sorte de démarche de rédemption », explique à 20 minutes Nadia Sweeny, l’une des journalistes qui a réalisé l’enquête. « On a construit une machine à broyer. Un jour j’ai dû renvoyer une ingénieure qui n’avait rien à se reprocher », reconnaît d’ailleurs l’homme dans Politis.
Mais l’enquête repose aussi sur le témoignage d’autres cadres, salariés, avocats et syndicalistes. « Ils ont dépouillé le site : tous les cadres ont été dézingués », affirme par exemple dans le journal une avocate marseillaise. « Nous avons des mails qui montrent clairement que plusieurs cadres du groupe étaient au courant du plan Marco Polo », affirme Nadia Sweeny. Pour aller plus loin dans la démonstration, Politis publie aussi un listing de noms « classés en six catégories correspondant à la méthode envisagée pour les faire disparaître : « clause mobilité », « dossier à construire pour faute », « départ à négocier »…».
Iliad conteste les faits
Interrogée par 20 minutes, la direction d’Iliad conteste les faits et les propos relatés dans cette enquête, les qualifiant de « diffamants ». Une autre source interne estime que ces révélations sont l’émanation de « vieilles rancœurs » de la part de Giorgio Mariani vis-à-vis du groupe, car il n’aurait pas accepté son licenciement. Ce dernier a d’ailleurs contesté son licenciement aux prud’hommes. Après avoir perdu en première instance, il aurait gagné en seconde, mais Iliad se serait pourvu en cassation. Le contentieux entre eux n’est donc pas clos. Selon la même source, sa hiérarchie lui aurait bien demandé de faire « une cartographie des salariés du site marseillais pour les connaître », mais absolument pas d’établir un listing de noms de salariés à pousser vers la sortie. Un avis contesté par Nadia Sweeny : « ces documents ont été authentifiés par différentes sources», déclare-t-elle. Selon Politis, de nombreux licenciements d’anciens salariés du site de Marseille ont ainsi été contestés aux prud’hommes. « Free a le carré VIP aux prud’hommes de Marseille ! », commente d’ailleurs dans l’hebdomadaire un ancien cadre d’Iliad, sous couvert d’anonymat.
Outre l’épisode marseillais, Politis revient aussi sur les méthodes de management au sein de certaines filiales du groupe Iliad : « Dans les centres d’appel, le rythme de travail est effréné, les salariés se sentent fliqués et les pauses pipi sont gérées par ordinateurs », résume Nadia Sweeny. Des affirmations contestées par certaines voix en interne qui soulignent qu’Iliad a déboursé 4 millions d’euros en 2014-2015 pour améliorer le bien-être de ses salariés des centres d’appels en proposant des espaces de détente, des restaurants d’entreprise plus agréables… « Un baromètre social mensuel permet aussi de faire le point et la direction de la relation abonné d’Iliad vient même de recevoir le " Award du management feel good". On est bien loin du management brutal qui est décrit dans l’article », estime une source interne.
Une santé florissante
Quant aux rapports de la direction avec les syndicats, selon Politis ils ne seraient pas de tout repos. Selon les journalistes, le groupe aurait « la hantise du syndicalisme ». D’où son attrait pour la filialisation qui « permet de minimiser le nombre de représentants du personnel et d’heures de délégation », souligne l’hebdomadaire. Les syndicalistes seraient aussi sous le coup de diverses pressions. Un avis qui est contesté par une source interne : « on travaille très bien avec les partenaires sociaux ».
Mais pour l’heure, le groupe Iliad ne semble pas vouloir communiquer plus en amont sur cette enquête. Sur son site, le dernier communiqué de presse se contente de vanter la bonne santé de l’entreprise qui affiche un chiffre d’affaires trimestriel en hausse de 6,6%.