Surrenchère Fnac/Conforama: Pourquoi Darty attise autant les convoitises?
DISTRIBUTION•L'enseigne rouge et blanche jouit d'une excellente image et son avenir est prometteur...Delphine Bancaud
La guerre se joue désormais en milliard. Conforama, qui s’est lancé depuis mercredi soir dans une bataille de surenchères avec la Fnac pour s’emparer de Darty, a relevé une troisième fois ce jeudi son offre publique d’achat sur l’enseigne d’électroménager, proposant désormais un total de 860 millions de livres, soit environ 1,09 milliard d’euros.
La Fnac avait déjà relevé deux fois depuis le début de la journée sa propre proposition de rachat de Darty, en la portant en début d’après-midi à 1,04 milliard. 20 minutes fait le point sur les raisons de l’appétit des deux groupes pour l’enseigne rouge et blanche.
La réussite de Darty est une promesse pour l’avenir
« Le marché de l’électroménager, de la vente de matériels informatiques et audiovisuels a souffert pendant la crise. Beaucoup d’acteurs ont mis la clé sous la porte, comme Surcouf et Virgin. Les enseignes historiques comme Darty qui ont survécu, en sont sorties renforcées », explique Yves Marin, spécialiste de la distribution au sein du cabinet de conseil Kurt Salmon.
Darty a en effet renoué avec les bénéfices l’an dernier (13,8 millions d’euros pour des ventes de 3,51 milliards). « L’enseigne a aussi bien réagi à la concurrence des sites marchands, tels qu’Amazon et Cdiscount. L’enseigne est donc bien positionnée pour les dix prochaines années », poursuit-il.
La marque jouit d’une belle aura
Un positionnement clair sur l’électroménager et le matériel hifi, une histoire d’amour depuis 1957 avec les Français, des magasins un peu partout. Darty a sans conteste les faveurs de la clientèle hexagonale.
« L’enseigne bénéficie à la fois d’une bonne image prix et d’un excellent service après-vente doté d’un slogan porteur le "contrat de confiance". La représentation de la camionnette Darty dans l’esprit du grand public reste très forte », estime Guy-Noël Chatelain associé du cabinet de conseil en direction générale OC&C Strategy.
Un maillage du territoire convoité
Autre atout de l’enseigne selon Yves Marin : « la qualité de son implantation (423 magasins dont 282 en France). Le maillage de ses magasins est intéressant, car Darty est très présent dans les grosses métropoles françaises. Et l’emplacement de ses boutiques est judicieux car elles sont à la fois en centre-ville et dans des centres commerciaux », explique l’expert.
La bonne image de Darty pourrait-elle rejaillir sur celle de son acquéreur ? « Oui, mais cela ne se fera pas en un claquement de doigts », estime Guy-Noël Chatelain. Le futur acquéreur pourrait notamment s’inspirer de l’excellent service après-vente de Darty.
L’enseigne sait allier e-commerce et vente physique
Darty réalise désormais 15% de son chiffre d’affairessur le web, avec un service click & collect qui fonctionne bien. « Darty sait jouer sur les deux tableaux, avec une offre digitale et des magasins physiques. Avec un effet boule de neige, car les clients des boutiques vont sur le web et vice-versa. Ce qui a encore renforcé sa notoriété », analyse Yves Marin. Un bon moyen aussi pour lutter contre la concurrence des pure- players. « Pour Conforama, cette acquisition serait d’ailleurs l’occasion de développer son offre d’e-commerce », ajoute Guy-Noël Chatelain.
En gobant Darty, Conforama et le Fnac cherchent à asseoir leur position
Avaler Darty permettrait à son acquéreur d’étendre son champ d’action, sans trop se disperser. Pour la Fnac, un tel mariage permettrait de se diversifier, au-delà de la vente des produits culturels et technologiques. Elle pourrait ainsi développer son offre d’appareils électroménagers, qu’elle a lancée en 2012.
Pour Conforama, l’intérêt serait de développer son offre d’appareils électroménagers et de produits high-tech. Le conseil d’administration de Conforama ambitionne ainsi « de créer un leader français de la distribution de produits et accessoires de la maison, opérant sous des marques bien établies et complémentaires ».
Mais ce n’est pas tout. « En grossissant, le groupe pourra davantage peser sur les fabricants et donc accroître sa force de négociation avec eux. Ce qui peut se traduire par des prix d’achat à la baisse et l’acquisition de produits en exclusivité. Et d’améliorer à termes ses marges », souligne Yves Marin. De quoiséduire encore plus de consommateurs.
« Le marché du brun (téléviseurs, lecteurs DVD, hi-fi, radio…), blanc (gros et petit électroménager), gris (micro-informatique) est assez concentré et son niveau de rentabilité est peu élevé. L’acquisition de Darty permettrait à Conforama ou la Fnac d’améliorer leur rentabilité et de faire des synergies (au siège ou au sein de leur plateforme logistique). Et cela évitera que les concurrents prennent une longueur d’avance », estime de son côté Guy-Noël Chatelain.