AVIATIONCrise à Air France: «La compagnie n'a jamais été aussi divisée»

Crise à Air France: «La compagnie n'a jamais été aussi divisée»

AVIATION« 20 Minutes » a consulté plusieurs syndicats de la compagnie aérienne pour comprendre pourquoi le dialogue social semble paralysé…
Des employés d'Air France manifestent devant les bureaux de la compagnie, le 5 octobre 2015, à Roissy.
Des employés d'Air France manifestent devant les bureaux de la compagnie, le 5 octobre 2015, à Roissy.  - KENZO TRIBOUILLARD / AFP
Laure Cometti

Laure Cometti

Voilà un peu plus d’un an que le plan de croissance « Perform 2020 » divise Air France-KLM. A l’issue de négociations dans l’impasse, la direction de la compagnie aérienne a dégainé vendredi un plan B prévoyant une baisse de l’activité et 2.900 suppressions de postes. La goutte d’eau : le comité central d’entreprise (CCE) a dégénéré ce lundi matin et sept personnes ont été blessées, dont le directeur des Ressources humaines Xavier Broseta.

Les syndicats condamnent ces violences mais ils se renvoient la balle concernant l’échec des négociations. Plusieurs organisations dénoncent l’attitude des pilotes - également mise en cause par une partie de la classe politique - et en particulier de leur syndicat, le SNPL.

Les pilotes critiqués de toutes parts

Ronald Noirot, secrétaire général de la CFE-CGC, première formation syndicale d’Air France, ne mâche pas ses mots. Il y a, selon lui, « un sentiment d’injustice croissant parmi les salariés. Le personnel au sol (PS) et le personnel navigant commercial (PNC) ont consenti à des efforts conséquents pour atteindre l’objectif de 20 % de gain de productivité fixé par la direction lors plan Transform. Les pilotes n’ont effectué que 11 % de gain de productivité », lâche-t-il.

« Le PS est au régime sec, il a renoncé à un mois de congé et les salaires sont gelés depuis trois ans, comme pour le PNC, alors que les pilotes ont 2 % d’augmentation par an. Il y a un vrai divorce entre les pilotes et le reste des employés ».

Jean-Pierre Bernasse, secrétaire national adjoint du SNMSAC (mécaniciens au sol), est plus nuancé mais il est également préoccupé par ce clivage socioprofessionnel. « En 37 ans de carrière, je n’ai jamais vu la compagnie aussi divisée ».

Un bras de fer entre le SNPL et la direction ?

« Au cours des six derniers mois, le SNPL n’a assisté qu’aux trois dernières réunions en septembre », poursuit Roland Noirot. Il tient le syndicat pour responsable de l’échec des négociations et accuse la CGT d’avoir attisé le feu ce lundi matin lors du CCE. « Depuis qu’Alexandre de Juniac [PDG du groupe] a mis un terme à la cogestion de l’entreprise avec les pilotes, le SNPL refuse d’abandonner ses privilèges ».

« Le dialogue est très difficile depuis des années entre la direction et le SNPL, abonde Béatrice Lestic, secrétaire générale de la CFDT Air France, mais les responsabilités sont conjointes ». Pour sortir de cette situation dans laquelle les salariés sont des « spectateurs exaspérés d’une catastrophe », le syndicat propose des négociations intercatégorielles.

« #AirFrance Le dialogue social reste un levier essentiel. La @CFDTAF appelle à des négos intercatégorielles pour sortir de l’impasse — CFDT (@CFDT) October 5, 2015 »

« La direction cherche à diviser pour mieux régner »

« Diviser pour mieux régner, cela a toujours été le motto de la direction », rétorque Emmanuel Mistrali, commandant de bord et porte-parole du SNPL. Il déplore une ambiance « délétère » qui nuit au dialogue social. « C’est détestable de stigmatiser les pilotes », lâche-t-il en marge d’une réunion intersyndicale qui s’est tenue ce lundi après le CCE.

« L’intersyndicale se tient finalement actuellement au bureau des pilotes #AirFrance — Loïc Besson (@loicbesson) 5 Octobre 2015 »

Si le SNPL n’a pas assisté à toutes les réunions sur Perform, c’est à cause d’une procédure en justice initiée par la direction contre le syndicat, soutient-il. Le SNPL dénonce une « parodie de négociations, avec une direction qui fait des demandes inacceptables sans accepter de changer une virgule à ses chiffres ».

Quant à la délicate question des salaires, Emmanuel Mistrali réplique que « les dix plus gros salaires au sol ont augmenté de 10 % même en période de vache maigre », taclant explicitement les rémunérations de la direction.