Les recettes d'Airbus Safran Launchers pour s'assurer du succès de la future Ariane 6
•Airbus Safran Launchers (ASL) mise, outre la nouvelle gouvernance du secteur spatial en Europe, sur des ruptures technologiques et des modes de production rationalisés pour relever le défi de la compétitivité de la prochaine Ariane 6.© 2015 AFP
Airbus Safran Launchers (ASL) mise, outre la nouvelle gouvernance du secteur spatial en Europe, sur des ruptures technologiques et des modes de production rationalisés pour relever le défi de la compétitivité de la prochaine Ariane 6.
Aujourd'hui, «l'ensemble du fonctionnement du spatial en Europe a été remis en cause», explique Alain Charmeau, le patron de la coentreprise d'Airbus et Safran dans les lanceurs. «Le spatial est dans une dynamique tirée par la nouvelle économie. C'est une approche complètement différente. Nous sommes vraiment dans une révolution industrielle.»
Ce qui va tirer l'industrie spatiale dans les années qui viennent, «c'est l'accès à Internet, rapide et dans le monde entier, donc c'est du consumer business» (services aux consommateurs), poursuit-il.
C'est donc une approche nouvelle qu'apportent des acteurs comme SpaceX, et derrière OneWeb, Google, Virgin, basée sur le consumer business. D'où la conception de lanceurs comme le Falcon de SpaceX, qui ne prend pas en compte des enjeux stratégiques, comme par le passé, mais économiques.
De même, les progrès technologiques, comme les satellites à propulsion électrique au poids et à la taille réduites, ou les charges utiles flexibles, qui permettent de configurer les satellites tout au long de leur mission, changent aussi les règles du spatial.
«Auparavant, les lanceurs déterminaient la taille, la configuration des satellites. A présent, la gamme est complètement ouverte, elle va de 150 kg à 8 tonnes», souligne Alain Charmeau pour qui désormais, «c'est la configuration des satellites qui s'impose aux lanceurs.»
Pour conserver son leadership, le secteur spatial en Europe a donc dû s'adapter. «Parmi les sujets sur lesquels nous travaillons pour contribuer à la baisse des coûts d'Ariane 6, il y a l'imprimante 3D. Nous avons, par exemple, fait des choses formidables sur les têtes d'injection des moteurs pour fusée», indique Alain Charmeau.
«Cette tête d'injection est aujourd'hui composée de 278 pièces fabriquées une par une. Nous en avons fabriqué une récemment avec la technologie des imprimantes 3D: 3 pièces. Donc, voici les ruptures que nous obtenons.»
Autre bénéfice: les économies de matériaux très onéreux, comme le platine ou le titanium. «Le deuxième avantage de l'impression 3D, c'est une quantité de matière strictement suffisante pour faire la pièce, alors qu'avec des usinages, on part d'un bloc matière et sur certains objets d'Ariane 5, on enlève 90% de la matière.»
«Donc, avec l'imprimante 3D, on gagne 2 fois: sur le temps de fabrication et donc le coût de fabrication et sur le coût matière. Il nous faut gagner encore une troisième fois, et là nous n'y sommes pas encore. C'est que le bureau d'étude conçoive des pièces qui soient adaptées à l'imprimante 3D», relève Alain Chameau.
ASL développe aussi des traitements de surface par laser, aujourd'hui compliqués et coûteux. «Nous avons des processus de fabrication des composites drapés avec des robots de placements qui viennent placer les nappes de fibres de matériaux composites exactement à l'endroit où nous en avons besoin, et avec des technologies qui nous évitent de passer en autoclave.»
Ou encore la RFID (radio frequency identification), qui permet de récupérer des données par radio-identification. «Nous allons pouvoir par des moyens extrêmement simples de lecture vérifier à tout moment que nous avons bien toutes les pièces au bon endroit, que les dates de péremption ne sont pas dépassées. Ce sont des choses qui vont améliorer notre qualité en amont dans des proportions phénoménales, et notre connaissance exacte de toutes les pièces d'un lanceur, en temps réel», se réjouit Alain Charmeau.
Par ailleurs, «nous avons conçu l'organisation industrielle d'Ariane 6 pour que les machines tournent au moins 6 jours sur 7 et peut être en 3/8 tous les jours, afin de les amortir sur beaucoup plus de pièces et avoir un impact sur le prix immédiat. Nous visons, en travaillant à la fois sur la conception, l'effet cadence et ces nouvelles technologies de production et les investissements industriels dans le programme A6, de diviser par deux les coûts de lancements.»
Enfin, Ariane 6 va profiter de l'effet cadence, avec des boosters (moteurs) communs aux versions Ariane 62 et 64 et au lanceur Vega.
«Voilà des ruptures industrielles, et tout le secret d'Ariane 6 va être de mettre en œuvre des choses concrètes comme celles-là», conclut Alain Charmeau.