Le magnat des télécoms Patrick Drahi, qui va gonfler son portefeuille de médias en s'emparant de BFMTV et RMC, ne cesse d'étendre son influence mais l'endettement vertigineux de son groupe, Altice, suscite des inquiétudes.

Il va racheter le groupe NextRadioTV, qui comprend notamment la radio RMC et la chaîne d'info en continu BFMTV, pour environ 595 millions d'euros, avec son PDG, Alain Weill. Le patron d'Altice reprendra ainsi la totalité du capital d'un des seuls groupes audiovisuels indépendants de France.

Patrick Drahi poursuit ainsi à toute allure ses rachats dans les médias, après l'acquisition, en juin 2014, du quotidien Libération et, en février 2015, de L'Express et d'une douzaine d'autres magazines. Il est à la tête du cinquième pôle de presse magazine français.

L'annonce survient trois jours seulement après la révélation de son intention de racheter les magazines Stratégies, Coiffure de Paris et CosmétiqueMag.

Déterminé à développer son pôle médias dans l'audiovisuel et à l'international, qui pèse déjà environ 300 millions d'euros de chiffre d'affaires avec notamment la chaîne israélienne d'information en continu i24news, le groupe israélien de télévision et de téléphonie mobile Hot, ou encore Ma Chaîne Sport TV, M. Drahi frappe un grand coup.

«M. Drahi est peut-être intéressé par l'influence. Être propriétaire de Libération, L'Express ou NextRadioTV, cela peut aider pour entrouvrir les portes de l'Elysée et des ministères», explique à l'AFP un observateur des médias sous couvert d'anonymat.

«Cette acquisition fait du sens pour être un groupe qui pèse dans le monde des médias et de la publicité (...) l'empire est encore un peu étroit mais il le devient de moins en moins», confie à l'AFP Sébastien Leroyer, directeur au cabinet PwC.

L'homme d'affaires franco-israélien de 51 ans, qui combine des talents d'ingénieur et de financier habile, multiplie les acquisitions ces derniers mois à coup de milliards: SFR en mars 2014 en France (13,4 milliards d'euros), Portugal Telecom en décembre (7,4 milliards), puis le câblo-opérateur Suddenlink aux États-Unis (9,1 milliards de dollars). Il avait même lancé le mois dernier une offre de 10 milliards pour s'offrir Bouygues Télécoms avant d'essuyer un refus catégorique, et hésité à s'offrir le géant américain Time Warner Cable, avant d'y renoncer.

- Self made-man, ancien de Polytechnique -

Sa façon de mettre à profit la grande confiance que lui accordent les marchés jusqu'à présent et des taux d'intérêt historiquement bas pour des acquisitions financées par de la dette suscite l'admiration chez de nombreux patrons.

Mais sa propension à tailler dans les coûts des entreprises qu'il rachète génère des tensions avec syndicats et fournisseurs, et l'endettement de plus de 33 milliards d'euros d'Altice commence à soulever des inquiétudes car il n'est tenable que si les actifs acquis génèrent des flux de trésorerie importants.

Par ailleurs, son statut de résident fiscal suisse, où il vit toutefois avec sa famille depuis ses 35 ans, selon son entourage, et la cotation de son groupe à Amsterdam, où doit être transféré le siège d'Altice, sont aussi critiqués, même si le groupe Numericable est, lui, immatriculé et coté en France.

Né à Casablanca, ce fils de deux profs de maths, quasi-inconnu avant le rachat de SFR, est passé par les plus grandes écoles de la République, enchaînant Maths sup, Maths spé, l'école Polytechnique et se spécialisant dans les télécoms.

M. Drahi commence sa carrière chez Philips, puis est embauché par UPC, filiale européenne de Liberty Global, le groupe de M. Malone, magnat américain du câble, qui deviendra son modèle.

Puis il se met à son compte et commence à racheter un à un de petits câblo-opérateurs régionaux, alors en mauvaise posture.

En France, il bâtit Noos, qui deviendra Numericable. Mais c'est l'acquisition de SFR, une cible huit fois plus grosse, qui le propulse sur le devant de la scène, au terme d'une bataille homérique contre Bouygues.

M. Drahi est désormais la 3e fortune française avec 27 milliards de dollars, et la 57e mondiale, selon la dernière liste du magazine américain Forbes.

Cet article est réalisé par Journal du Net et hébergé par 20 Minutes.