POLEMIQUEAlcatel-Lucent: Michel Combes doit-il renoncer à ses indemnités?

Alcatel-Lucent: Michel Combes doit-il renoncer à ses indemnités?

POLEMIQUELe patron d'Alcatel-Lucent est sous le feu des critiques depuis l'annonce du montant de ses indemnités de départ...
Laure Cometti

Laure Cometti

L’annonce de la somme versée par Alcatel-Lucent à Michel Combes, qui n’occupera plus les fonctions de directeur général du groupe à compter de mardi, a fait grand bruit. L’exécutif, une grande partie de la classe politique et les syndicats, dont le Medef, jugent le montant de ce bonus excessif et appellent l’ex-patron de l’équipementier télécoms à faire preuve de mesure. Ces injonctions ne resteront-elles que des vœux pieux ? Michel Combes peut-il renoncer à tout ou partie de ses 14 millions d’euros d’indemnités ?

Rien ne l’oblige a priori à renoncer à ce bonus

« Concernant l’indemnité de non-concurrence versée à Michel Combes, si son montant peut sembler excessif, le principe d’indemniser le mandataire social qui respecte l’interdiction de concurrence convenue avec la société est tout à fait légal », explique Maître Olivier Philippot, avocat en droit du travail. Or le rapport annuel 2014 d’Alcatel-Lucent ne fait pas état d’une telle clause, qui pourrait avoir été introduite ultérieurement.

Extrait du document de référence 2014 d’Alcatel-Lucent disponible sur le site du groupe.

« La rémunération en actions a quant à elle été approuvée par vote lors de l’assemblée des actionnaires. Elle semble donc a priori légale bien que l’on ne connaisse pas la motivation de l’assemblée pour l’octroi de cette rémunération », poursuit le juriste.

Le Medef, qui s’est saisi de l’affaire, devra contrôler si les sommes attribuées au patron d’Alcatel-Lucent correspondent au code de bonne conduite mis en place il y a quelques années. « Ce code détermine les principes généraux qui doivent être pris en compte par les entreprises pour déterminer la rémunération de leurs dirigeants raisonnables. Le texte insiste notamment sur l’importance de la proportionnalité de la rémunération aux performances de l’entreprise, sans pour autant établir un barème chiffré ». Les sociétés adhérentes du syndicat patronal s’engagent à le respecter mais « dans les faits, le syndicat n’a pas de véritable pouvoir de sanction », explique le juriste.

« Finalement, le débat se cristallise sur la distinction entre ce qui est légal et ce qui est légitime », résume l’économiste Jean-Yves Archer.

Un débat davantage moral que juridique

« Si les conditions juridiques et la déontologie ont été respectées, rien ne peut obliger Michel Combes à ne pas percevoir près de 14 millions d’euros, sauf à s’aligner sur la bonne pratique de Pierre Bilger », estime Jean-Yves Archer. PDG d’Alstom dès 1991, il avait renoncé en 2003 à des indemnités de départ de 4,1 millions d’euros, « un geste individuel motivé par ses convictions chrétiennes ». Son exemple reste un cas isolé.

« Quand bien même voudrait-il abandonner ses primes, il ne le pourrait pas », tranche François-Xavier Dudouet, chercheur au CNRS. Question de statut social et de solidarité dans ce « petit monde » des patrons du CAC 40. « Cela reviendrait à dire qu’il ne mérite pas ces avantages et que les autres dirigeants ne les méritent pas non plus », explique le sociologue. « Cela serait interprété comme une mise en cause de la rémunération des patrons, voire une insulte au milieu des affaires ».

Une question de statut et de fierté

Michel Combes s’est dit ce lundi « fier du travail accompli » qui justifie cette prime. Loin d’être « encombrante », la publication des montants d’indemnités est « parfois source de fierté pour certains dirigeants », avance même Gérard Valin, expert judiciaire financier auprès de la Cour d’appel de Paris.

Quant aux injonctions de l’exécutif, elles semblent bien vaines. Face à une polémique similaire, Philippe Varin, président du directoire de PSA avait renoncé en 2013 à une retraite chapeau de 21 millions d’euros. En mai 2015, le site Deontofi.com a révélé qu’il percevra près de 300.000 euros par an de retraite chapeau au titre d'ancien patron du constructeur automobile. Malgré les critiques du gouvernement, Philippe Varin a pris début 2015 la présidence du conseil d’administration d’Areva, géant de l’énergie détenu à près de 30 %… par l’Etat.