Crise du porc: Quelles solutions pour qu’industriels et éleveurs gardent encore les cochons ensemble?
AGROALIMENTAIRE•Le ministère de l’Agriculture organise, ce lundi à Paris, une table ronde pour tenter de sortir de la crise qui secoue la filière porcine depuis une semaine…Vincent Vanthighem
1,40 euro le kilo. Trop bas pour les éleveurs. Trop élevé pour les industriels de l’abattage et de la transformation. Le prix du porc sera au cœur d’une table ronde organisée, ce lundi à 15h au ministère de l’Agriculture, pour tenter de sauver la filière porcine française menacée par la concurrence européenne.
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La crise a éclaté il y a une semaine tout juste au Marché du porc breton de Plérin (Côtes-d’Armor). C’est en ce lieu que le prix de référence du porc est fixé, deux fois par semaine, pour toute la France. Mais lundi dernier, les deux principaux industriels acheteurs ont tout simplement boycotté la cotation estimant que le « prix plancher » d’1,40 euro le kilo fixé par le gouvernement était bien trop élevé par rapport à celui de la concurrence européenne.
Eclairage : Comment le prix du porc est-il fixé en France ?
Emmanuel Rault préfère en sourire. Eleveur de 140 truies à Quintenic (Côtes d’Armor), il explique à 20 Minutes que, depuis janvier, le kilo de porc lui rapporte, en moyenne, 1,23 euro alors qu’il lui coûte 1,38 euro à produire. « Nous avons besoin de solutions non pas pour vivre, mais pour survivre ! », implore-t-il. 20 Minutes dresse la liste des pistes de réflexion pour la filière…
- Solution 1 : Revoir le prix du porc fixé à 1,40 euro le kilo ?
Numéro un du porc en France, l’industriel Cooperl demande, dans un communiqué, la suppression du « prix plancher » et le retour à un marché libre, estimant que le coût du porc français fait courir un risque pour l’emploi dans les entreprises d’abattage et de transformation. Lors de la dernière cotation à Plérin, le 6 août, le prix français était de 1,404 euro le kilo, contre 1,38 en Allemagne, 1,319 en Belgique et 1,256 en Espagne.
Source : Marché du porc breton de Plérin (Côtes-d’Armor)
Face à la colère des éleveurs, ce prix minimal d’1,40 euro le kilo avait été fixé par le gouvernement en juin afin de leur venir en aide. « C’est bien simple, résume Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine (FNP). Si on baisse le prix, 10 % des 10.000 éleveurs de porc français fermeront à court terme. Et 50 % à moyen terme… »
- Solution 2 : Harmoniser les règles pour tous les acteurs européens
Pour les éleveurs, les responsables de la crise se trouvent au-delà de nos frontières. En Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne, essentiellement. Xavier Beulin, le président de la FNSEA, a demandé ce lundi que la France agisse sur la Commission européenne afin d’éviter les distorsions de concurrence qui existent entre les pays. L’Allemagne est, notamment, accusée de sous-payer ses travailleurs pour faire baisser de ses produits. « L’Europe parvient à légiférer sur les conditions de logement des animaux d’élevage mais pas sur la fiscalité. C’est scandaleux », témoigne Paul Affray, le président de la FNP.
Eclairage : L’Allemagne joue-t-elle un tour de cochon ?
- Solution 3 : Lever l’embargo européen sur la Russie
Mis en place pour pénaliser Vladimir Poutine après son offensive en Ukraine, l’embargo européen sur la Russie a fait quelques victimes collatérales. Auparavant, la France exportait 70.000 tonnes de porc par an vers les traditionnelles babouchkas russes. « Poutine s’en fout et cela nous fait souffrir, tranche encore Paul Auffray. Quand je vois que les Etats-Unis renouent avec Cuba, je me dis qu’on est vraiment cons ! »
- Solution 4 : Forcer l’Etat à acheter français
D’après les éleveurs, l’Etat est le premier importateur de porc. Cantines scolaires, collectivités : ce sont 70.000 tonnes de cochon qui sont servies dans les assiettes françaises chaque année. Autant que la quantité vendue par le passé à la Russie. La Fédération nationale porcine (FNP) n’a pas de chiffres précis mais assure qu’au moins « la moitié de ces 70.000 tonnes provient de l’étranger. »
- Solution 4 : Forcer les transformateurs et distributeurs à la transparence
« Le bon saucisson comme on l’aime chez nous », clame fièrement Cochonou. Et pourtant, la marque qui appartient à la société Aoste, filiale du groupe espagnol Campofrio Food Group, lui-même détenu à 100 % par le Mexicain Alfa ne communique aucun chiffre sur la provenance de ses viandes. « Il y a trop de facteurs qui entrent en jeu. Ces chiffres ne voudraient rien dire », répond à 20 Minutes un porte-parole d’Aoste tout en précisant que son entreprise reste le « 5e acheteur de porc français » et qu’il faudrait « plutôt regarder du côté des marques de distributeurs ».
Une 2CV aux couleurs de la marque Cochonou. - Julien Sabardu/Flickr.com
« Ces marques jouent sur le côté franchouillard alors qu’ils font venir leur viande de l’étranger. Ce n’est pas possible », assure à ce propos Emmanuel Rault, l’éleveur de Quintenic. Pour manger des produits transformés à base de viande française, il existe tout de même le label « porc français » qui garantit une provenance 100 % hexagonale. « La moitié des jambons cuits portent ce label », assure l’interprofession nationale porcine. Et l’autre moitié ?