Crise grecque: On a imaginé la partie de poker à laquelle se livrent Tsipras, Merkel et Hollande...
FICTION•Et si finalement les négociations sur la crise grecque n'étaient qu'une grande partie de cartes...Vincent Vanthighem
«Ce n’est pas une partie de poker menteur ! » Jean-Claude Juncker a eu beau s’en émouvoir à l’annonce du référendum grec, les négociations sur la crise financière ont tout d’une partie de cartes. De grosses sommes d’argent en jeu, des coups de bluff : 20 Minutes a imaginé le poker auquel se livrent actuellement les plus hauts dirigeants européens alors que se tient dimanche une réunion de la dernière chance entre les protagonistes.
En direct : Athènes a fait d’ultimes propositions à ses créanciers
Jeudi soir, le gouvernement grec a d’ailleurs tenté un dernier coup en faisant part de nouvelles propositions de réformes à ses créanciers. Elles doivent faire l’objet d’un vote par le parlement hellène ce vendredi. Une manière pour Alexis Tsipras de jeter ses ultimes jetons sur le tapis vert afin d’emporter la partie. 20 Minutes dresse le portrait des joueurs…
Le bluffeur : Alexis Tsipras, Premier ministre grec
Alexis Tsipras, le 25 juin 2015 - Petros Karadjias/AP/SIPA
Ses cartes en main : Alexis Tsipras a beau avoir reçu le soutien de 61,31 % des Grecs lors du référendum, il n’a plus beaucoup d’atouts dans sa manche. Voire plus du tout. « Avec la majorité derrière lui, il promet à l’Europe de mettre en place de nouvelles réformes dans son pays. Maintenant que c’est fait, il n’a plus de coup à jouer… », justifie Christian Parisot, chef économiste au sein du cabinet Aurel-BGC.
Sa mise : Quasi nulle. Sur un tapis de poker, Alexis Tsipras jouerait ses derniers jetons. C’est ce qu’on appelle être « short stack ». « Son système bancaire est fermé. Les importateurs ne peuvent plus régler les factures. Et il ne peut plus attendre trois mois… », poursuit l’expert.
Son aptitude à bluffer : « On ne sait toujours pas si Tsipras est un idiot ou un génie… » En une phrase, Christian Parisot résume toute l’intelligence d’un bluffeur. En sortant de son chapeau l’idée d’un référendum, le Premier ministre grec a surpris tout le monde. Coup gagnant : il a reçu le soutien des Grecs et fait reculer (un peu) l’échéance critique pour son pays.
L’agressive : Angela Merkel, Chancellière de l’Allemagne
Angela Merkel, le 30 juin 2015 - ODD ANDERSEN AFP
Ses cartes en main : Ni bonnes, ni mauvaises. La Chancellière sait bien que quelle que soit l’issue de la crise grecque, elle n’en sortira pas gagnante. « Soit la Grèce sort de l’euro et elle doit s’asseoir sur le remboursement de la dette ; soit la Grèce reste et elle doit continuer à lui octroyer des prêts… », indique Christian Parisot.
Sa mise : L’Allemagne représente la plus grosse part du PIB de la zone euro (28 %). Mais son atout est ailleurs. « Elle sait que la Banque centrale européenne (BCE) et le Fond monétaire international (FMI) ne feront rien sans accord. Voilà sa force », résume Christian Parisot.
Son aptitude à bluffer : Angela Merkel a la réputation d’être dure en négociations. Mais cela ne trompe personne. Son principal problème, c’est son Parlement dont elle doit obtenir l’accord quelle que soit la décision prise. « En campagne, elle avait promis que la Grèce ne coûterait pas un euro aux Allemands, poursuit Christian Parisot. Cet engagement va se retourner contre elle… »
Le chip leader* : Mario Draghi, président de la BCE
Mario Draghi, le 4 septembre 2014 - Daniel Roland AFP
Ses cartes en main : C’est lui qui détient sans doute la clef de la partie. Si rien n’est prévu dans ses textes, la BCE a le pouvoir d’expulser la Grèce de la zone Euro. « Il suffit pour cela qu’elle arrête de fournir les liquidités d’urgence (ELA) à la Grèce, indique Christian Parisot. D’autant que l’Etat hellène doit encore rembourser 3,5 milliards d’euros à ses créanciers d’ici au 20 juillet… »
Sa mise : Elle est toujours aussi énorme. Depuis 2010, les créanciers ont prêté 260 milliards d’euros à la Grèce, dont 230 proviennent des pays de la zone euro. A l’image de Pat Poker dans Lucky Luke, Mario Draghi dispose, devant lui, d’une pile de jetons qui le dépasse littéralement.
Son aptitude à bluffer : Quasi nulle. Si Mario Draghi a le pouvoir de couper le robinet, il n’a qu’un rôle institutionnel. « La BCE suivra l’avis des dirigeants politiques, poursuit Christian Parisot. Et Tsipras le sait bien. C’est avec Merkel qu’il négocie, pas avec Draghi… »
Le challenger : François Hollande, président de la France
François Hollande le 29 juin 2015 - ALAIN JOCARD AFP
Ses cartes en main : Dans l’absolu, la France a de bonnes cartes. Mais elle ne peut rien faire avec, en restant seul. Il faudrait pouvoir les échanger avec l’Allemagne pour constituer une main encore plus forte. Mais ça n’est pas permis au poker. « François Hollande sait bien que tous les pays du Nord ainsi que l’Espagne suivent Merkel, poursuit l’analyste. Si Merkel dit non, il ne pourra rien faire… »
Sa mise : Derrière l’Allemagne, la France représente la plus grosse part du PIB de la zone euro (20 %). Mais au poker, comme en négociations, seul le plus riche dispose du pouvoir.
Son aptitude à bluffer : Homme de synthèse, François Hollande est surtout un fin tacticien politique. « Il a réussi à faire croire qu’il était plus ouvert que les autres mais il ne l’est pas tant que ça », conclut Christian Parisot. La plus grande crainte du chef de l’Etat français : que la Grèce sorte de la zone euro et que les journaux titrent sur l’ardoise que cela représente pour chaque Français…
L’outsider : Christine Lagarde, patronne du FMI
Christine Lagarde, le 9 juin 2015 - MLADEN ANTONOV AFP
Ses cartes en main : Installée à Washington, Christine Lagarde a un beau jeu. Du genre de celui qui pourrait aider la Grèce à s’en sortir. D’ailleurs, la patronne du FMI a indiqué, mercredi, qu’elle était favorable à une restructuration de la dette.
Sa mise : Elle n’a pas aussi énorme que celle de la BCE mais sa pile de jetons n’est pas mal, non plus. Depuis 2010, la FMI a octroyé 30 milliards de liquidités à la Grèce. D’ailleurs, elle attend toujours le remboursement de 1,5 milliard que le gouvernement d’Alexis Tsipras n’a pas été en mesure de rembourser le 1er juillet.
Son aptitude à bluffer : Pas très élevée. Christine Lagarde a déjà annoncé qu’elle ne voulait pas voir la Grèce sortir de la zone euro. Elle ne ment pas. « Derrière le FMI se cache le poids très fort des Etats-Unis, indique encore Christian Parisot. Et les Etats-Unis n’ont rien à gagner à voir la Grèce totalement déstabilisée… »
*Le leader d’une partie de poker est celui qui dispose du plus grand nombre de jetons, les « chips ».