TELECOMSPourquoi le consommateur sera le perdant du rachat de Bouygues Telecom par SFR

Pourquoi le consommateur sera le perdant du rachat de Bouygues Telecom par SFR

TELECOMSL’offre de rachat à 10 milliards d’euros de Bouygues Telecom par SFR/Numericable inquiète…
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

«Si ça se réalise, ça sera la casse sociale de l’année ». C’est par ces mots qu’Azzam Ahdab, délégué du syndicat CFDT chez Bouygues, synthétise son inquiétude. Car l’offre de rachat de Bouygues Telecom par SFR/Numericable, étudiée mardi par le conseil d’administration du groupe Bouygues, ne fait pas que des heureux. Pour Azzam Ahdab, jusqu’à 3.000 postes pourraient être menacés chez Bouygues Telecom. Sans compter les sous-traitants. « Il y a des doublons à tous les étages. Or il n’y a pour le moment aucune garantie sur la sauvegarde de l’emploi.

Et on vient de sortir de deux plans de départ, 1.950 postes ont été supprimés. » Une angoisse partagée par les salariés de SFR. « Ce ne sont pas des entreprises jumelles, mais pas loin, renchérit Olivier Lelong de la CFDT chez SFR. Malheureusement, notre expérience de ce genre de rapprochements alimente nos craintes. On a vu un changement notable depuis le rachat de SFR : des lignes de crédit coupées, des salaires gelés, des prestataires remerciés… Et ces coupes ont eu lieu dans une entreprise qui gagnait de l’argent… Alors imaginez ce que ça peut donne pour Bouygues qui a perdu 41 millions d’euros en 2014. »

Une mauvaise nouvelle pour les clients ?

Mais au-delà des craintes pour l’emploi, Azzam Ahdab critique l’opération périlleuse du patron d’Altice. « Economiquement c’est très dangereux, voire irresponsables de s’endetter à hauteur de 42 milliards… surtout pour casser des emplois et non pour investir. » Pour lui, aucun doute, les clients vont voir sur leurs factures les impacts de cet endettement. En effet, avec la disparition d’un quatrième acteur des télécoms, moins de concurrence. Le mouvement est d’ailleurs commun dans de nombreux pays européens : Allemagne, Autriche, Irlande.

Et selon UFC Que Choisir, en Autriche, le retour de quatre à trois opérateurs en 2013 a généré un bond de 15 % des tarifs. « Quand nous avions trois opérateurs, les tarifs de la téléphonie mobile étaient 25 % plus chers qu’à l’étranger, rappelle Antoine Autier, expert chargé des missions technologie de l’information et de la communication chez UFC Que Choisir. Et depuis l’arrivée de Free mobile, les consommateurs ont gagné 13 milliards d’euros de pouvoir d’achat. Le pire étant que Free, petit acteur face aux deux mastodontes, ne disparaisse… » C’est pourquoi l’association de consommateurs espère que l’autorité de la concurrence regardera de près comment Free sera intégré aux discussions et qu’elle favorise l’arrivée de nouveaux opérateurs mobiles.

Sur la téléphonie fixe, qui pourrait donc passer de cinq acteurs à trois en un an, les prix pourraient également augmenter. « D’autant que Bouygues jouait le rôle de trublion en cassant les prix et que SFR n’est pas connu pour une politique tarifaire attractive, reprend Antoine Autier. Et les opérateurs pourraient justifier une hausse de prix par un accès à la fibre. »

« L’éventuel nouveau groupe aurait intérêt à miser sur un service de qualité. »

Mais pour Antoine Géron, spécialiste en stratégie télécoms chez Polyconseil, cette éventuelle fusion ne rimera pas forcément avec hausse des prix ou baisse de la qualité. « Un rapprochement permettrait de faire des synergies avant tout sur le réseau mobile, en bénéficiant d’une certaine complémentarité des réseaux des deux opérateurs.

Or la 4G du côté du mobile et la fibre optique pour la téléphonie fixe nécessitent des investissements lourds. Ces économies d’échelle et le fait d’amortir les coûts sur plus de clients [SFR reprendrait les 11 millions de clients de Bouygues] semblent favorables pour la qualité du service. D’autant que Free joue la carte des prix agressifs, donc l’éventuel nouveau groupe aurait intérêt à miser sur un service de qualité. »