Pourquoi les investisseurs chinois boudent-ils la France?
ATTRACTIVITE•Ils préfèrent toujours implanter leurs activités en Angleterre et en Allemagne, révèle le Baromètre 2015 du cabinet E&Y publié ce mercredi...Céline Boff
Quand ils mettent la main sur un vignoble, un club de football ou une partie de PSA, ils font les gros titres. Et les Chinois ont effectivement multiplié les acquisitions en France ces dernières années. Mais nous sommes très loin de l’invasion : fin 2012, le stock des investissements chinois et hongkongais en France était d’à peine 4,2 milliards d’euros… soit quatre fois moins que le stock des investissements français en Chine.
Et puis, l’an dernier, les Chinois ont réalisé seulement 17 implantations en France, contre 79 en Allemagne, selon le Baromètre 2015 de l’attractivité, réalisé par E & Y. Mais pourquoi préfèrent-ils notre voisin ? « Parce qu’il offre davantage de PME à vendre, qui sont de plus positionnées sur du haut de gamme », répond Eric Delbecque, président d’honneur de l’Association pour la compétitivité et la sécurité économique (ACSE).
« L’Allemagne les intéresse aussi parce qu’elle est plus exportatrice. En acquérant une PME allemande, les Chinois ne vendent pas seulement en Allemagne, mais en Pologne, en République tchèque, en Russie, etc. », ajoute Marc Lhermitte, associé chez E & Y.
« La sécurité des expatriés et de leurs familles devient un sujet »
Quant au Royaume-Uni, où les Chinois ont réalisé 40 investissements l’an dernier, « il est la capitale de la finance. En s’implantant à Londres, les Chinois sont au plus près des banques d’investissement et des grands médias financiers », précise Marc Lhermitte.
Plus généralement, « les Chinois estiment que les Anglais et les Allemands font tout pour construire une relation économique solide avec eux… Contrairement aux Français », analyse Eric Delbecque. Comme le résume pour Business France* Jean-Pierre Raffarin, membre fondateur du Comité France-Chine, ils ont dû mal à comprendre pourquoi « il faut traiter les visas avec le préfet, le permis de construire avec la mairie, les financements économiques avec le département, les financements des formations avec la région… Ils ne comprennent pas qu’il n’y ait pas de chef de projet ».
« La question de la sécurité des expatriés et de leurs familles devient également un sujet. Il y a des vols, des agressions. C’est un phénomène qui se répète, et qui donne une mauvaise image », ajoute Nhay Phan, président de l’Association des entreprises chinoises en France*. Qui insiste par ailleurs sur la barrière de la langue.
« La France est un pays qui vous attend »
Et puis, les déclarations parfois hostiles des milieux économiques, médiatiques et politiques jouent aussi. Comme lors de la prise de participation d’un fonds chinois dans l’aéroport de Toulouse-Blagnac. « Les investisseurs chinois suscitent souvent des craintes déraisonnables, alors qu’ils devraient être traités avec la même bienveillance a priori et la même vigilance à tout moment que les autres investisseurs », martèle Eric Delbecque. Qui ajoute : « Pourquoi un dirigeant français serait-il forcément plus favorable à l’emploi et aux territoires français qu’un dirigeant chinois ? ».
« De nombreuses expériences montrent que quand les Chinois s’investissent, c’est plutôt pour le long terme », estime Gérard Deman, président du conseil d’administration d’Adisseo, entreprise française rachetée par un groupe chinois en 2006.
En tout cas, les Chinois souhaitent accroître leurs investissements à l’étranger. « C’est maintenant qu’il faut les séduire, si nous voulons qu’ils implantent en France des activités créatrices de valeur et d’emplois », affirme Eric Delbecque. Le monde politique l’a bien compris. Après François Hollande en 2013, c’est Manuel Valls qui a effectué un voyage en Chine, fin janvier. Il avait alors déclaré : « La France est un pays qui vous attend (…). Ne craignez ni notre droit social, ni la réalité française, au contraire, c’est un pays qui vous permettra de faire de très belles affaires ».
*Tous ces propos sont tenus dans l’ouvrage « Quand la Chine investit en France », une enquête réalisée par Brigitte Dyan et Hubert Testard pour Business France, opérateur public au service de l'internationalisation de l'économie française.