AGRICULTURELes producteurs de pommes de terre n’ont pas la frite

Les producteurs de pommes de terre n’ont pas la frite

AGRICULTURELa production française qui a atteint, en 2014, un niveau historiquement élevé tire les prix vers le bas…
Vincent Vanthighem

Vincent Vanthighem

«Lundi, des patates. Mardi, des patates. Mercredi, des patates aussi…» Et c’est un peu le problème. Confrontés à un cru historiquement élevé en 2014, les 16.000 producteurs de pommes de terre français abordent leur congrès annuel, qui se tient lundi et mardi à Saint-Quentin (Aisne), avec gravité.

«Chaleur et pluie: le climat a été très favorable l’an dernier, explique à 20 Minutes Martin Mascré, le directeur de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT). La production a donc atteint un niveau historique avec plus de 6 millions de tonnes récoltées (+16% par rapport à 2013). Malheureusement, tout ce stock ne pourra être vendu…»

L’embargo russe impacte les agriculteurs

C’est qu’à l’est, il y a du nouveau. Pour protester contre la crise en Ukraine, l’Union européenne a imposé un embargo sur la Russie qui impacte directement les agriculteurs français.

«L’Allemagne et la Pologne –premiers producteurs de pommes de terre en Europe devant la France– avaient l’habitude d’exporter vers la Russie, décrypte Arnaud Delacour, producteur dans l’Aisne. Ces pays ne pouvant plus le faire, ils se retrouvent en concurrence directe avec nous sur le marché de l’Europe du sud (Espagne et Italie). Et les prix sont tirés vers le bas…»

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Et encore, quand les fameux tubercules ne pourrissent pas tout simplement le long des champs. «Selon mes prévisions, je vais rester avec 40 tonnes sur les bras sur les 2.300 que j’ai produites cette année», regrette l’agriculteur picard.

Les Français en ont assez de la purée

Boostée par le développement des fast-foods ces cinq dernières années, la consommation de pommes de terre semble avoir, aujourd’hui, atteint un plafond. Par an, un Français consomme environ soixante kilos de ce féculent cher à Antoine Parmentier, dont la moitié sous forme de produits transformés.

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Chef triplement étoilé au Guide Michelin du restaurant Le Pré Catelan (Paris, 16e), Frédéric Anton a eu beau vanter, dans un livre*, les mérites de ce «magnifique produit avec lequel on peut faire des plats extraordinaires», les Français en ont assez de la purée.

«La consommation ne semble pas pouvoir aller au-delà, poursuit Arnaud Delacour. Je pense que nous allons réduire l’an prochain les surfaces consacrées à cette culture (160.000 hectares en 2014).» En attendant, Martin Mascré a commencé à inciter les membres de son Union nationale à faire des dons aux associations caritatives.

*Pommes de terre, de Frédéric Anton avec Christelle Brua et Chihiro Masui. (Ed. du Chêne. 29,95 euros).


Quand la grande distribution ne joue pas le jeu

Impossible de confirmer l’information. Mais selon l’UNPT, une grande enseigne de distribution hard discount s’apprêterait, ce lundi, à faire une promotion exceptionnelle sur la patate. «On évoque le prix d’un euro pour dix kilos, raconte Arnaud Delacour. C’est abusif parce que les consommateurs ne vont pas comprendre l’an prochain quand la pomme de terre sera à un euro par kilo…» En conséquence, les membres de l’UNPT envisagent des opérations de sensibilisation dans cette enseigne dès cette semaine.