L'Etat va-t-il reprendre en main les autoroutes?
TRANSPORT•Le rapporteur de la mission d'information sur les autoroutes préconise une «dénonciation des contrats en cours»...Céline Boff
Les événements s’accélèrent. Mercredi, le député PS Jean-Paul Chanteguet, rapporteur d’une mission d’information sur les autoroutes, a demandé au gouvernement de dénoncer les contrats liant l’Etat et les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA). Il faut «agir très vite», a-t-il insisté. Et pour cause: pour reprendre en main les autoroutes le 1er janvier 2016, le gouvernement doit dénoncer les contrats avant le 31 décembre 2014. Soit dans moins de 15 jours.
Mais en a-t-il envie? Le Premier ministre, Manuel Valls, a assuré la semaine dernière que cette solution n’était pas exclue. Reste que pour l’heure, ce n’est pas la voie suivie. Au contraire: le gouvernement a signé il y a un an et demi avec les SCA un plan de relance autoroutier qui prévoit d’allonger de deux à quatre ans la durée de leurs concessions, qui arrivent à échéance entre 2027 et 2033. En échange, les SCA se sont engagées à financer pour 3,2 milliards d’euros de travaux d’entretien et de développement du réseau autoroutier.
«Il ne s’agit pas de renationaliser les autoroutes»
Une somme jugée largement insuffisante par Gildas de Muizon, directeur associé du cabinet Microeconomix: «Vu les bénéfices que ces concessionnaires réaliseront pendant les années d’allongement, les travaux auraient pu s’élever à plus de six milliards d’euros». Pour lui, pas de doute: le gouvernement doit suivre la recommandation du rapporteur et rompre les contrats en cours.
«Il ne s’agit pas de renationaliser les autoroutes: la gestion, l’entretien du réseau et la réalisation des travaux seraient encore confiés à des entreprises privées, l’Etat prendrait seulement en charge le financement des autoroutes», détaille-t-il. Ce qui reviendrait moins cher, puisque la puissance publique emprunte à des taux plus bas que le privé.
Certes, résilier les contrats aurait un coût non négligeable – de l’ordre de 39 milliards d’euros – mais «si les tarifs des péages ne changent pas, l’Etat empocherait malgré cette dépense une plus-value de près de 30 milliards d’euros. Une somme qu’il pourrait ensuite utiliser pour financer de nouveaux travaux ou pour réduire les tarifs des péages», poursuit Gildas de Muizon.
«Il n'y a aucune urgence»
Pour Jean-Marc Liduena, du cabinet Monitor Deloitte, ces tarifs sont toutefois justes: «Entre 2004 et 2006, soit avant la nationalisation, les péages augmentaient de 2,1% par an. Entre 2007 et 2013, la hausse a été de 1,9% par an, contre 3,6% pour le TGV et 4,5% pour le métro entre 2008 et 2014».
D’après cet expert, la résiliation des contrats est d’autant plus risquée qu’elle pourrait «compromettre un modèle économique qui fonctionne pour l’instant». Il évoque notamment une possible faillite des SCA en cas de forte baisse du chiffre d'affaires ou du résultat net, «un scénario qui s’est déjà produit en Espagne».
Pour Gildas de Muizon, «il n’y a de toute manière aucune urgence. La reprise en main du financement des autoroutes par une entité publique représente un immense travail. Rien ne presse». Le gouvernement peut très bien dénoncer les contrats au cours de l’année 2015, ce qui lui permettrait de reprendre la main le 1er janvier 2017.