L'allemand Axel Springer capitule face à Google
Le géant allemand de l'édition Axel Springer a annoncé mercredi avoir cédé à Google dans leur conflit sur la propriété intellectuelle, capitulant devant la toute-puissance du moteur de recherche américain.© 2014 AFP
Le géant allemand de l'édition Axel Springer a annoncé mercredi avoir cédé à Google dans leur conflit sur la propriété intellectuelle, capitulant devant la toute-puissance du moteur de recherche américain.
Axel Springer a accordé à Google une licence pour faire figurer à nouveau gratuitement sur son moteur de recherche des extraits des articles de ses publications, et ce dès mercredi.
«Cela ne se fait pas de notre plein gré, mais parce qu'Axel Springer ne voit pas d'autre possibilité, au vu de la position dominante de Google et de la pression financière qui en résulte», a indiqué le groupe, éditeur entre autres de Bild, quotidien le plus lu d'Allemagne, et du journal Die Welt, acteur majeur de la presse quotidienne allemande.
Axel Springer est l'un des membres les plus influents de VG Media, une coalition de quelque 200 médias allemands qui se sont réunis pour faire respecter leurs droits en matière de propriété intellectuelle, avec Google en ligne de mire.
Les médias veulent être rémunérés pour l'utilisation faite par Google dans son moteur de recherche des phrases d'attaque de leurs articles («snippets») et de leurs photos comme miniatures («thumbnails»).
- Baisse de 80% -
VG Media a déposé une requête en juin auprès d'une cellule d'arbitrage dédiée rattachée au tribunal régional de Munich (sud) contre Google et d'autres moteurs de recherche. Le bras de fer a aussi été porté devant le gendarme allemand de la concurrence, qui pour le moment n'a pas ouvert d'enquête.
Google a réagi en annonçant le mois dernier qu'il allait, pour les médias concernés, amputer les résultats des recherches des fameux «snippets». Cette décision est entrée en vigueur le 23 octobre.
Mais depuis cette date, Axel Springer a enregistré une baisse de 40% du trafic généré par les moteurs de recherche sur les sites welt.de, computerbild.de, sportbild.de et autobild.de, ses vaisseaux amiraux. Le trafic généré par Google News a même chuté de 80%, explique le groupe, qui publiait mercredi ses résultats du troisième trimestre.
En termes financiers, et ramené à l'année entière, cela signifierait un préjudice de plus de 100.000 euros pour chacun des sites concernés, estime l'éditeur, qui parachève son virage numérique et dont toutes les offres internet de presse sont payantes.
«Aussi triste que ce soit, nous connaissons maintenant précisément les conséquences de la discrimination, (...) nous savons comment Google punit quiconque fait usage d'un droit» que lui accorde la loi allemande, a commenté le patron d'Axel Springer Mathias Döpfner.
Une loi votée en 2013 sur la propriété intellectuelle permet aux groupes de presse d'exiger une rémunération pour les extraits d'articles, aussi petits soient-ils.
La défiance à l'égard de Google est très marquée en Allemagne, notamment en ce qui concerne la protection des données, un sujet sensible dans le pays.
- Mutation en cours -
Le conflit avec Google assombrit la mutation d'Axel Springer, qui s'est séparé de sa galaxie de titres et médias régionaux et met depuis quelques années le paquet sur le numérique.
Le groupe est propriétaire d'une kyrielle de sites internet dont en France SeLoger et Aufeminin. Ses investissements internet, notamment sur le segment des petites annonces (immobilier, emploi), ont certes pesé sur sa rentabilité ces dernières années, mais commencent à porter leurs fruits.
L'excédent brut d'exploitation (Ebitda) a augmenté de 1,9% sur un an à 97,8 millions d'euros, moins que prévu par les analystes, mais l'éditeur a maintenu ses prévisions de bénéfices pour cette année.
Tiré par les sites de petites annonces en ligne, le chiffre d'affaires entre juillet et septembre a grimpé nettement plus que prévu, avec une hausse de 8,2% à 741,1 millions d'euros, selon les chiffres publiés mercredi.
Mais «Axel Springer est et reste une maison pour le journalisme de qualité», a assuré M. Döpfner lors d'une conférence téléphonique.
L'éditeur a annoncé en septembre une co-entreprise avec le site d'informations politiques Politico. L'américain veut désormais lancer une version européenne de son concept, basée à Bruxelles.