Assurance-chômage: Le système français est-il si avantageux pour les chômeurs?
ECONOMIE•«20 Minutes» a soumis la France à un test comparatif...Nicolas Beunaiche
«Il y a eu une réforme, elle est insuffisante. On ne pourra pas en rester là.» Le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, a relancé dimanche la polémique sur l’assurance-chômage, reprenant avec d’autres mots l’argumentaire du Premier Ministre. Lundi, à Londres, Manuel Valls avait en effet déjà remis en cause le système français en estimant que «la France [avait] fait le choix d’un chômage de masse et très bien indemnisé», pour en conclure que la question du montant et la durée de l’indemnisation du chômage devait «être reposée». La France serait-elle donc trop généreuse? Petit exercice de comparaison avec ses voisins européens.
Conditions d’attribution: L’un des systèmes les plus accessibles d’Europe
En France, quatre mois d’affiliation suffisent pour se voir ouvrir des droits. A l’échelle européenne, seule la Suède se montre plus ouverte avec trois mois. Cette durée est de six mois dans quelques pays comme le Luxembourg et les Pays-Bas, et même de 12 mois dans quasiment tous les autres. La France fait également partie des Etats dans lesquels la période de référence est la plus longue puisqu’un chômeur doit avoir travaillé quatre mois sur les 28 derniers mois. Seuls deux pays prennent en compte une période plus longue (l’Espagne et le Danemark), mais avec une durée minimale de cotisation plus longue également. «La combinaison de ces deux paramètres fait de la France l’un des pays où le seuil d’entrée dans le système d’assurance est le plus bas», en conclut un rapport de la Cour des comptes de 2013 (voir graphique ci-dessous).
Montant de l’indemnisation: La France pas si dépensière
Si l’on raisonne en termes de taux de remplacement pour la première année d’un épisode de chômage, c’est-à-dire le ratio entre les revenus d'inactivité et les revenus d'activité précédemment touchés pour une personne, la France (67,3%) se situe à «un niveau intermédiaire», selon la Cour des comptes. Bien au-dessus de la médiane de l’OCDE (58,6%), certes, mais plutôt proche de la médiane des pays de l’Union européenne (64,9%), selon des chiffres de 2009. Cette année-là, le taux de remplacement français était supérieur à celui de la Suède, de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, mais il était dépassé par celui du Danemark, des Pays-Bas, de l’Espagne et du Portugal. La France se distingue surtout par sa générosité aux extrêmes. Non seulement elle a fixé un montant mensuel minimum, mais aussi et surtout elle propose le montant mensuel maximum le plus élevé du continent (6161,29 euros). Tout compris, la France ne se révèle toutefois pas si dépensière que les propos de Manuel Valls le laissent penser. Au classement des Etats européens en fonction de la part de la richesse nationale consacrée à l’indemnisation des chômeurs, elle n’arrive qu’à la neuvième place, selon un calcul effectué par Alternatives économiques.
Durée d’indemnisation: La France très patiente
En France, la durée d’indemnisation correspond à la durée travaillée, dans la limite de 24 mois (36 mois pour les plus de 50 ans). Le rapport de la Cour des comptes la qualifie de «relativement longue». Elle est effectivement plus courte au Royaume-Uni (6 mois), en Italie (8 mois) ou en Allemagne (12 mois) pour les demandeurs d’emploi de moins de 50 ans. Seuls les Pays-Bas (38 mois) font mieux que la France, qui se trouve au même niveau que le Danemark et l’Espagne. «Le système français est l’un de ceux où l’éventail des durées d’indemnisation [de quatre à 24 mois donc] est le plus important. Il couvre les salariés les plus précaires, mais aussi réserve le plus haut niveau de protection aux salariés les mieux insérés dans l’emploi», indique la Cour des comptes. Dans le cadre de la nouvelle convention Unedic négociée en mars, les Français bénéficient en outre, depuis octobre, du mécanisme des droits rechargeables, qui permet aux allocataires de l'assurance-chômage d'accumuler des droits chaque fois qu'ils retravaillent, sans perdre ceux déjà acquis. Quant au délai de carence, il a été triplé en juillet, différant le versement des allocations pour les cadres ayant reçu des indemnités suite à la rupture de leur contrat de travail. Enfin, l’indemnisation n’est pas dégressive au fil du temps, comme c’est le cas en Belgique, au Portugal et en Espagne, pays qui semblent inspirer le gouvernement français. Dans ces Etats-là, l’allocation diminue à partir du 7e mois (en Espagne et au Portugal) ou par paliers (en Belgique).