Budget 2015: plus de déficit, un peu moins d'impôt, autant de rigueur
•Coincé entre les exigences européennes et une opinion majoritairement hostile, le gouvernement français a présenté mercredi son budget pour 2015, marqué par l'endiguement plus laborieux que prévu des déficits, malgré un effort sur les dépenses.© 2014 AFP
Coincé entre les exigences européennes et une opinion majoritairement hostile, le gouvernement français a présenté mercredi son budget pour 2015, marqué par l'endiguement plus laborieux que prévu des déficits, malgré un effort sur les dépenses.
Le projet de budget prévoit l'an prochain une légère baisse du déficit budgétaire, à 4,3% du Produit intérieur brut (PIB) après 4,4% cette année. Il devrait ensuite se réduire à 3,8% en 2016, puis 2,8% en 2017, revenant ainsi sous la limite fixée par Bruxelles deux ans après la date prévue.
La deuxième économie de la zone euro va donc devoir, pour la troisième fois, demander un nouveau délai à Bruxelles pour revenir dans les clous du Pacte de stabilité européen.
La France «tient impeccablement les dépenses» et a «pris ses responsabilités», a plaidé le ministre des Finances Michel Sapin, imputant le dérapage du déficit à la mauvaise conjoncture et renvoyant la balle à l'Europe pour soutenir l'activité.
«L'Europe doit elle aussi prendre ses responsabilités dans toutes ses composantes», a lancé le ministre.
Un argumentaire balayé par l'ancien Premier ministre UMP François Fillon, qui a dénoncé un budget «qui n'est pas sincère, qui tourne le dos à tous les engagements de la France en matière de réduction des déficits».
Le gouvernement se base sur une prévision de croissance de 1% en 2015, accélérant progressivement à 1,9% en 2017, et table sur un redémarrage de l'inflation après un taux de 0,9%, hors tabac, l'an prochain.
Le Haut conseil des finances publiques, organisme indépendant, a qualifié le chiffre de 1% d'«optimiste». Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, juge, lui, les hypothèses économiques «d'une extrême prudence».
Le gouvernement a cependant confirmé son objectif de réaliser 21 milliards d'euros d'économies cette année et 50 milliards sur trois ans. «La France n'a jamais fait un effort de cette ampleur», a affirmé M. Sapin.
- Dernier rempart de la crédibilité de Paris -
Paris a fait du respect du montant de ces économies le dernier rempart de sa crédibilité budgétaire vis-à-vis de ses partenaires, car pour le reste, la France a enterré l'essentiel de ses promesses européennes.
Outre le faible recul du déficit public, le gouvernement a prévenu que son déficit structurel, solde scruté de près par Bruxelles, ne se rapprocherait de l'équilibre qu'en 2019, et non en 2017.
Conséquence: la dette publique, désormais à plus de 2.000 milliards d'euros, devrait culminer en 2016 à 98% du PIB, avant d'entamer un repli.
Paris a prévu de céder «au moins quatre milliards d'euros» d'actifs en 2015, qui seront consacrés au désendettement.
Pour tenir l'objectif d'économies, des efforts seront demandés à l'Etat, aux collectivités locales et à la Sécurité sociale.
Après les 9,6 milliards d'économies sur la protection sociale annoncés lundi, aux dépens notamment de la politique familiale, les collectivités territoriales verront les dotations de l'Etat réduites de 3,7 milliards d'euros.
Est aussi prévue une baisse de la dépense de l'Etat, de 1,8 milliard. Hors prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne qui, sur le plan comptable, ne sont pas inscrits dans la partie dépenses du budget, la coupe est d'un milliard contre une progression prévue à 6,7 milliards, selon Bercy. D'où un effort total estimé à 7,7 milliards.
Le poids des dépenses publiques dans le PIB devrait ainsi passer de 56,5% cette année à 56,1% en 2015.
Ces «coupes budgétaires» auront des conséquences «graves» en matière d'emploi, d'investissement et de santé, s'est alarmée la CGT, fustigeant un «budget d'austérité».
Le gouvernement récuse lui ce terme, soulignant qu'«il ne sera pas demandé d'efforts supplémentaires aux Français».
«Plutôt que d'appliquer une politique du rabot porteuse ni d'efficacité ni d'avenir, il faut revoir le système lui-même», a plaidé de son côté Pierre Gattaz, le président du Medef.
Pas question non plus de renoncer aux mesures promises aux ménages pour tenter de redorer l'image d'un exécutif très contesté, y compris à gauche. Une réforme de l'impôt sur le revenu doit bénéficier à 9 millions de contribuables, pour un montant de 3,2 milliards d'euros.
Par ailleurs les dispositifs de soutien aux entreprises (CICE, pacte de responsabilité) vont continuer à monter en puissance.
Côté hausses, la taxe sur le diesel sera augmentée de deux centimes par litre, pour compenser le manque à gagner lié à l'abandon de l'écotaxe, et la redevance audiovisuelle progressera de 3 euros en métropole et d'un euro en outre-mer, la portant à respectivement 136 et 86 euros.
Au total, le taux de prélèvements obligatoires en France ne devrait que peu évoluer, passant de 44,7% du PIB cette année à 44,6% l'an prochain.