Déficit et croissance: Que peut encore faire le gouvernement?
DECRYPTAGE•Après les annonces du gouvernement, «20 Minutes» a interrogé deux économistes sur la marge de manoeuvre qu'il reste à la France...Propos recueillis par Nicolas Beunaiche
Cela fait désormais plusieurs mois qu’on n’a pas vu Michel Sapin sourire face aux journalistes. Mercredi, le ministre des Finances est une nouvelle fois venu porter la mauvaise nouvelle: non, la France n’atteindra pas en 2015 son objectif de réduction du déficit public sous la limite européenne de 3 % du produit intérieur brut (PIB). Pas mieux sur le front de la croissance, dont les prévisions ont été revues à la baisse. Tout est-il perdu? Non, répondent les économistes Denis Ferrand et Eric Heyer, interrogés par 20 Minutes. Mais tous les deux n’ont pas les mêmes recommandations.
Denis Ferrand (institut COE Rexecode): «Il faut accentuer notre effort, à l’image de l’Allemagne»
«Il faut déjà attendre de voir les résultats de la politique du gouvernement à moyen terme. Les mesures comme le Cice et le pacte de responsabilité mettent du temps à produire des effets. Dans le cas du Cice notamment, les montants évoqués (12 milliards d’euros en 2014) ne correspondent pas encore au décaissement pour l’Etat (4,5 milliards d’euros jusqu’à présent, neuf milliards sur l’ensemble de l’année). Mais le cap est bon en tout cas: il faut œuvrer pour la compétitivité française, comme le fait l’Allemagne depuis dix ans, et le faire plus intensément encore qu’actuellement. Le tournant a eu lieu dans les discours et les décisions, il faut désormais qu’il se traduise dans les montants alloués.
Il faut également renforcer le contrôle des dépenses. Celles de l’Etat -qui représentent un tiers de la dépense publique- baissent, mais est-ce le cas également de celles des administrations de Sécurité sociale et des collectivités locales? Il y a un vrai travail de transparence à faire sur les trajectoires effectives des deniers publics, pour pouvoir mieux identifier les pistes d’économies.»
Eric Heyer (OFCE): «Une coordination européenne est nécessaire»
«La stratégie française n’a pas si mal fonctionné jusqu’alors. Il faut se rappeler qu’en 2009, le déficit public était en France de 7,5 %, et qu’il est retombé à 4,1 % en 2013. Il y a donc eu de l’austérité. Mais désormais, on patine, on est arrivés au bout de notre plan, notamment parce qu’en l’absence de croissance, les recettes fiscales ne rentrent plus. Et s’il n’y a pas de croissance, c’est essentiellement parce que l’environnement international s’est dégradé plus que prévu.
Il faut en tirer les conséquences. Penser qu’on pourra s’en sortir seul est illusoire, une coordination au niveau européen est nécessaire. Aujourd’hui, tous les pays ont suivi la même ligne conduisant à casser la demande intérieure pour relancer la compétitivité extérieure; cela ne peut pas fonctionner. Il faudrait dire à certains pays de choisir la relance, à d’autres de préférer l’austérité.
Le plan européen doit être à la fois monétaire et budgétaire. La politique monétaire qui consiste à affaiblir l’euro, comme le fait Mario Draghi, est bénéfique, il faut la poursuivre. A terme, cela va booster la compétitivité des pays de l’Union. Mais il faut aussi un stimulus budgétaire car il va falloir de la demande pour faire repartir l’économie de la zone euro.»