Insee ou Pôle emploi, qui dit vrai sur les chiffres du chômage?
TRAVAIL•L’Insee annonce une stabilité du chômage au second trimestre, Pôle emploi une hausse...Nicolas Beunaiche
Les demandeurs d’emploi ont dû se réveiller un peu perdus ce jeudi matin. A l’opposé des annonces de Pôle emploi, qui assure que le nombre de chômeurs a augmenté entre avril et juin, l’Insee a indiqué ce jeudi que selon ses statistiques, le taux de chômage s’était au contraire stabilisé au second trimestre. Qui dit vrai? Eclairage.
Pourquoi les chiffres du chômage ne disent pas tous la même chose?
Tout simplement parce que la méthode de calcul et la définition du chômeur des deux organismes ne sont pas les mêmes. L’Insee procède par enquête auprès d’environ 108.000 Français. Il s’agit d’«une enquête trimestrielle dont la collecte a lieu en continu durant toutes les semaines de chaque trimestre», indique l’institut, qui définit le chômeur comme un actif sans emploi disponible dans les quinze jours et qui a recherché activement un travail dans le mois ou en a trouvé un qui commence dans moins de trois mois.
A l’inverse, Pôle emploi se fonde sur le nombre de chômeurs enregistrés par l’administration. L’agence distingue diverses catégories de demandeurs d’emploi (A, B, C…) «sur la base de règles juridiques portant notamment sur l’obligation de faire des actes positifs de recherche d’emploi et d’être immédiatement disponible». Le chiffre de chômage au sens de Pôle emploi qui fait référence correspond à celui de la catégorie A.
Comment expliquer les différences entre les deux annonces?
L’écart entre les deux chiffres est particulièrement élevé dans la catégorie des seniors. C’est donc là qu’il faut chercher les explications au hiatus entre les chiffres de Pôle emploi et ceux de l’Insee, selon Bruno Ducoudré, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), cité par l’AFP. Selon lui, «l’enquête de l’Insee montre du découragement chez les seniors», qui seraient nombreux à déclarer avoir abandonné leurs recherches. Plus comptabilisés par l’Insee, ils passent alors dans la catégorie des inactifs ou dans le «halo du chômage», ces 1,3 million de personnes (+60.000 sur un an) qui souhaitent retrouver un emploi mais ne sont pas considérées par l’institut comme «chômeurs».
Quel est alors le meilleur indicateur du chômage?
Les économistes sont partagés sur la question et nombre d’entre eux se disent même déçus des deux indicateurs, à tel point que certains tentent même de créer de nouveaux, comme le nombre de tweets évoquant une perte d’emploi dernièrement par exemple. Dans la pratique, les chiffres de l’Insee et de Pôle emploi comportent des biais divers. Si l’Insee ne comptabilise pas certains actifs découragés, comme cela semble être le cas au second trimestre, Pôle emploi peut aussi fausser la réalité en modifiant sa méthodologie via des instructions gouvernementales comme des nettoyages de fichiers, qui rendent les statistiques «artificielles», selon Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision à l’OFCE. A cela s’ajoute, selon lui, la tendance qu’ont les chômeurs en fin de droits à ne pas actualiser leur situation (et donc à sortir des listes) et la propension qu’ont les jeunes qui n’ont pas encore travaillé à ne pas s’inscrire à Pôle emploi. Pour lui, s’il faut choisir entre les deux indicateurs, c’est donc le chômage selon l’Insee (au sens du BIT) qui est le plus fiable. «Il a le mérite d’être plus stable et de permettre la comparaison dans le temps et l’espace avec les autres pays», justifie-t-il.