BUDGETDéficit public: Que se passera-t-il si la France n'atteint pas son objectif?

Déficit public: Que se passera-t-il si la France n'atteint pas son objectif?

BUDGETEt c'est ce qui devrait arriver...
Céline Boff

Céline Boff

Passer sous la barre des 3 % de déficit public. Le gouvernement français l’avait promis: il atteindrait cet objectif en 2015. Mais voilà… Les derniers indicateurs ne sont pas bons. Au deuxième trimestre, la France a enregistré une croissance nulle, réitérant ainsi le scénario du premier trimestre. Paris doit désormais se rendre à l’évidence: la croissance n’atteindra pas 1 % cette année, mais tout au plus 0,5 %.

«Moins de croissance pour 2014 signifie moins de recettes fiscales et donc plus de déficit public», explique l’économiste Philippe Crevel. «Il devrait se situer autour de 4,2 % en 2014». Très loin donc des 3,8 % promis par Paris. Du coup, l’objectif des 3 % en 2015 est compromis. Quelles peuvent être les conséquences de cet échec?

Il y aura davantage d’austérité

«Ce qui est sûr, c’est que la Commission européenne va demander de nouvelles mesures au gouvernement français», lance Jérôme Creel, directeur du département des études à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et professeur associé à l’ESCP Europe. Bruxelles devrait exercer des pressions sur Paris en septembre et en octobre, lorsque la France élaborera son projet de loi de finances pour 2015.

«Sauf si le gouvernement parvient à convaincre la Commission européenne que les décisions déjà prises sont suffisantes… Ce qui risque d’être difficile, dans la mesure où son programme phare, à savoir le pacte de responsabilité et de solidarité, a été en partie invalidé par le Conseil constitutionnel», estime Jérôme Creel.

La France réclamera un nouveau délai

Michel Sapin, le ministre des Finances, a déjà demandé à Bruxelles d'«adapter le rythme de la réduction des déficits publics à la situation économique actuelle». Mais cette demande ne sera pas forcément bien accueillie. D’abord parce que la France a déjà obtenu en mai 2013 un délai de deux ans. Ensuite parce que «les autres pays européens, l’Allemagne en tête, sont parvenus à améliorer leur situation budgétaire en mettant en œuvre les réformes structurelles nécessaires…», avance Jérôme Creel.

En tout cas, si le gouvernement veut obtenir un nouveau délai, «il devra donner des gages de crédibilité et donc présenter des mesures de redressement. Par exemple, promettre un nouveau gel du point d’indice des fonctionnaires, ou encore remplacer seulement un fonctionnaire sur quatre partant à la retraite», poursuit l’économiste.

Une sanction pourrait être appliquée

Si Paris ne rétablit pas la situation dans les six prochains mois, la Commission européenne pourrait être contrainte de proposer l’an prochain une amende financière contre la France, qui s’élèvera au minimum à 0,2 % de son PIB. Soit 4,4 milliards d’euros.

Ce sera alors aux ministres des Finances des autres pays européens de décider si cette sanction doit être ou non infligée à Paris. Se montreraient-ils indulgents? Rien n’est moins sûr d’après Jérôme Creel: «Plusieurs pays européens en ont assez de la manière dont la France gère ses finances publiques. Si le Portugal, l’Espagne ou encore l’Italie ont réussi à améliorer leurs situations budgétaires, pourquoi la France n’y parvient-elle pas?».

La France militera pour une autre politique européenne, axée sur la relance budgétaire

Elle le fait déjà. «L’Europe doit agir fermement, clairement, en adaptant profondément ses décisions à la situation particulière et exceptionnelle que connaît notre continent. La France pèsera en ce sens», affirme ainsi Michel Sapin.

«Mais la France a des problèmes de compétitivité, de demande, de cohérence dans son discours économique. Son chômage n’a pas baissé, sa croissance n’est pas repartie, ses comptes publics ne se sont pas stabilisés… C’est toute la stratégie du président Hollande qui a échoué. Dans ces conditions, sa voix est difficilement audible», estime Jérôme Creel.

Un point de vue partagé par Christopher Demblik, économiste chez Saxo Banque: «Ce n’est pas une France affaiblie et isolée diplomatiquement qui a la crédibilité nécessaire pour relancer et porter cette ambition à Bruxelles… Le France ne peut pas être respectée par ses partenaires européens puisqu’elle ne respecte pas ses engagements».