INTERVIEWEconomie: «La France ne doit pas s'inspirer de l'Allemagne»

Economie: «La France ne doit pas s'inspirer de l'Allemagne»

INTERVIEWChristopher Dembik, économiste chez Saxo Banque, réagit au recul de la croissance allemande...
Céline Boff

Propos recueillis par Céline Boff

Le bon élève de la zone euro trébuche à son tour: au deuxième trimestre, l’Allemagne a vu sa croissance se contracter de 0,2 %. Pour une fois, le pays d’Angela Merkel fait même moins bien que la France, qui affiche une croissance nulle. S’agit-il d’une mauvaise passe ou la crise s’annonce-t-elle plus durable? 20 Minutes fait le point avec Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque.

Comment s’explique ce recul de la croissance en Allemagne?

Par la mauvaise santé de la France mais aussi de l’ensemble des pays de la zone euro. Le modèle allemand étant surtout tourné vers l’exportation, il souffre de la morosité ambiante.

Cette nouvelle est-elle inquiétante?

Oui, parce que nous ne nous attendions pas à une si mauvaise performance. Chez Saxo Banque, nous avions tablé sur une croissance de 0 % au deuxième trimestre et nous pensions être pessimistes… Certes, l’Allemagne affichera de meilleurs résultats aux troisième et quatrième trimestres et elle fera toujours la course en tête en termes de croissance annuelle en Europe. Mais cette croissance ne sera plus aussi forte que les années précédentes.

Croyez-vous à une reprise?

Un ajustement de fond est en cours, l’Allemagne va devoir trouver la bonne dynamique entre consommation intérieure et grand export. Elle s’est déjà positionnée sur de nouveaux marchés, comme en Asie où elle a remporté quelques succès, mais la situation en Europe de l’Est la pénalise.

Justement, l’embargo russe ne risque-t-il pas de dégrader davantage ses performances?

Non, car les exportations allemandes vers la Russie sont infimes. Ceci dit, les perspectives d’investissement des entreprises allemandes sont faibles en Europe de l’Est.

Prenez Adidas, coté à la bourse allemande. Alors que ce groupe souhaitait s’implanter davantage sur ces territoires, notamment en Pologne, il a émis une alerte sur ses résultats 2014. Il craint que le conflit dégénère en Europe de l’Est. Je pense que les Allemands ne doivent pas céder à la psychose concernant les intentions russes. La situation va s’apaiser car c’est dans l’intérêt de tous.

Jens Weidmann, le président de la banque centrale allemande, a rappelé la France à l’ordre en matière de rigueur budgétaire. Ne se montre-t-il pas un peu trop arrogant au regard des derniers résultats allemands?

Peut-être, mais il a raison. La France va demander un nouveau délai pour atteindre les 3 % de déficit public et c’est un très mauvais signal. La crise des dettes souveraines a éclaté parce que les deux locomotives européennes -la France et l’Allemagne- n’avaient pas respecté leurs objectifs budgétaires. L’Allemagne a rectifié le tir, la France doit le faire à son tour. Dans le cas contraire, elle subira tôt ou tard un retour de bâton. Il viendra soit des marchés financiers, soit des tensions sociales.

Cette croissance négative ne va-t-elle pas infléchir la politique de Berlin?

Je ne pense pas. Et même si Berlin accentuait ses dépenses publiques, cette politique de relance profiterait très peu aux autres pays européens. L’Allemagne peut accompagner une reprise de l’activité en Europe, mais elle ne peut pas sauver la zone euro.

L’Allemagne peut-elle encore représenter un exemple pour la France?

Elle ne l’a jamais été. Le modèle allemand n’est pas applicable en France et nous ne pouvons pas nous en inspirer. Si nous le faisions, nous courrions à une catastrophe, au minimum sociale. La France a ses propres atouts, par exemple un secteur bancaire très sain, contrairement à celui de l’Allemagne. Elle doit trouver les réformes qui lui conviennent et les mettre en place.