ETUDEEmploi: Pourquoi le travail au noir sévit dans le BTP

Emploi: Pourquoi le travail au noir sévit dans le BTP

ETUDESelon une enquête de l’Acoss, la caisse nationale du réseau des Urssaf, une entreprise du secteur de la construction sur sept a recours au travail dissimulé…
Romain Lescurieux

Romain Lescurieux

Le secteur du BTP est-il gangrené par le travail illégal? C’est ce que semble prouver les informations diffusées ce mercredi par la caisse nationale du réseau des Urssaf, l’Acoss, dans le cadre des contrôles aléatoires réalisées durant l’année 2013 dans le secteur de la construction.

Celles-ci ont permis de mettre en évidence dans une enquête, un taux national de fraude détectée de 13,7 % des établissements contrôlés. Et près de 8 % des salariés seraient concernés. Du travail au noir qui se traduit par l’absence de déclaration d’un employé ou la dissimulation d’une partie des heures de travail effectuées.

«Ces taux sont supérieurs à ceux relevés les années précédentes. En 2011-2012, les taux les plus élevés avaient été observés dans le secteur des Hôtels-Cafés-Restaurants; ils s’établissaient respectivement à 12,3 % et 5,1 %», mentionne l’étude qui se base sur 2 605 entreprises.

«Transactions en liquide» et «activités au noir»

Activités, tailles, zones géographiques, l’Acoss pointe ainsi le profil des établissements fraudeurs. Les infractions sont présentes dans tous les types d’activité du BTP, «hormis le génie civil qui est peu représenté», note l’Acoss. La construction de bâtiments arrive donc en tête avec 21,9 %, suivie des activités de peinture et vitrerie (24,0 %) de plâtrerie (18,5 %) ainsi que la maçonnerie (16,3 %). Géographiquement, les régions de l’Est et d’Ile-de-France se distinguent par un taux de fraude significativement plus élevé. Enfin, à noter que plus l’entreprise est petite, plus le recours au travail illégal est important.

«Les secteurs où dominent les petites entreprises et où une bonne partie des transactions se fait en liquide ont naturellement tendance à avoir une proportion importante de leur activité au noir», explique Gilles Saint-Paul, professeur d’économie et membre de l’école d’économie de Toulouse. En fait «le BTP permet d’investir des sommes relativement importantes dans un actif réel (la pierre) et difficilement taxable car difficilement mesurable par le fisc».

«L’évaluation de la fraude est probablement sous-estimée»

Mais attention, le phénomène est sans doute plus important que prévu. «Il est vraisemblable qu’une partie des travailleurs dissimulés sont présents sur le chantier durant le week-end ou très tôt le matin. C’est pourquoi l’évaluation de la fraude est probablement sous-estimée», mentionne l’étude.

Pour Gilles Saint-Paul, «il est difficile d’estimer la part du travail au noir dans l’économie française, mais on peut penser qu’il représente 10 à 15 % de l’activité économique. Et il semblerait que celui-ci tende à augmenter au cours des années récentes». Pour lui, la quantité de travail au noir dépend essentiellement de deux facteurs.

«Les entreprises qui fraudent doivent disparaître»

«D’une part, il y a la facilité qu’ont les entreprises pour soustraire une partie de leur activité à l’impôt. Celle-ci dépend de facteurs tels que la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, etc. Et d’autre part, il y a l’intérêt économique que représente le travail au noir, qui dépend de la fiscalité. La hausse récente de la pression fiscale et le plafonnement de certaines niches ont probablement contribué à l’augmentation récente du travail au noir», conclut-il.

Et cette pratique n’est pas sans conséquences. En 2013, 10,7 % des contrôles ont été sanctionnés par un PV et/ou un redressement. «Endiguer le phénomène fait partie de nos missions. Les entreprises qui fraudent doivent disparaître», commente Stéphane Holé, sous-directeur de l’Acoss, en charge du contrôle et de la lutte contre la fraude.