Ces entreprises qui veulent jouer un rôle dans la réduction de la pauvreté
•Face à l'ampleur de la pauvreté en France, certaines grandes ...© 2014 AFP
Face à l'ampleur de la pauvreté en France, certaines grandes entreprises ont lancé des offres de produits et de services adaptés aux populations fragiles, des initiatives qui limitent les coûts liés à la précarité, tout en leur ouvrant de nouveaux marchés.
Pour les 8,7 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté (977 euros par mois en 2011), les dépenses «contraintes» et nécessaires telles que le loyer, l'alimentation, le transport ou la santé grèvent 70% de leur budget.
Confrontés à des capacités de financement quasi nulles, ces ménages pauvres se trouvent dans le même temps affectés par un mécanisme, démontré par plusieurs études, qui les conduit souvent à payer plus cher que les autres les mêmes biens et services.
Par exemple, les petits logements, davantage recherchés par les plus pauvres, ont un prix au mètre carré supérieur à celui des surfaces importantes.
Ils sont encore pénalisés lorsqu'ils s'orientent vers des équipements (chauffage, automobile...) moins chers à l'achat mais qu'ils devront remplacer plus vite.
Pour lutter contre cette «double peine» de la pauvreté, certaines entreprises se sont convaincues qu'elles avaient un rôle à jouer.
L'association Action Tank Entreprise et Pauvreté, co-présidée par Martin Hirsch, a pour objet de favoriser le développement de projets ayant un impact sur la réduction de la pauvreté et de l'exclusion en France.
«Ce n'est pas à l'Etat de compenser par des aides ou des subventions des prix trop chers», estime le directeur général de l'AP-HP, ancien Haut Commissaire aux solidarités actives. Lorsque les entreprises sont prêtes à s'engager, «on les aide à développer un modèle économiquement viable, mais dont le but ne sera pas la recherche du profit», poursuit-il.
Par exemple, plusieurs acteurs de la filière optique (opticiens, ophtalmologues, complémentaires, industriels) ont créé l'association Optique solidaire pour favoriser l'accès de populations défavorisées à un équipement fabriqué en France. «Environ 2.000 personnes ont été équipées en deux ans», souligne-t-on chez Essilor, l'un des partenaires.
- Une facture divisée par deux -
Renault a de son côté lancé un programme visant à faciliter l’accès à la mobilité des personnes en situation de précarité. «L'absence de mobilité est la troisième cause de chômage en France», explique Claire Martin, directrice de la responsabilité sociale de l'entreprise.
«On s'est rendu compte que certaines personnes disposaient d'une voiture, mais qu'elle leur coûtait extrêmement cher en réparation», ajoute-t-elle. D'où l'idée des «garages solidaires» qui proposent aux bénéficiaires une offre d’entretien-réparation à prix réduits, et une offre de vente de véhicules d’occasion à petits prix.
«Plus de 150 garages sont aujourd'hui volontaires», affirme Claire Martin, qui explique que, des fournisseurs au constructeur, «tout le monde accepte de renoncer à ses marges».
«Mais même avec une facture divisée par deux, le service reste souvent encore trop cher pour certains clients», assure-t-elle.
En lançant de telles initiatives, les entreprises peuvent espérer «ne pas perdre un marché qui leur deviendrait inaccessible», souligne Martin Hirsch.
Leurs offres sont souvent issues d'un partenariat avec des associations.
Danone, à travers sa filiale Bledina, teste avec la Croix-Rouge, dans plusieurs villes, un programme visant à améliorer l'alimentation des enfants en bas âge dans des familles précaires, avec notamment la distribution de bons d'achats de lait infantile.
L'opérateur de télécommunications SFR s'appuie de son côté sur Emmaüs Connect pour proposer aux personnes les plus démunies une offre d'accès au téléphone et à internet à un coût réduit, via des cartes prépayées, ainsi qu'un accompagnement vers un usage adapté à leurs besoins. Depuis 2010, 6.500 personnes ont bénéficié du programme.
«Dans la plupart des cas, les bénéficiaires n'ont pas de comptes bancaires, donc pas accès aux forfaits classiques», ce qui les pénalise par exemple dans la recherche d'emploi, explique Yann Tanguy, le responsable de la fondation SFR.
«Certains pourront ensuite devenir des clients mais ce n'est pas l'enjeu du partenariat au départ: il s'agit de contribuer à la réduction de la fracture numérique», assure-t-il.