SOCIALRéforme du temps partiel: Le patronat monte au créneau

Réforme du temps partiel: Le patronat monte au créneau

SOCIALD’après les organisations patronales, l’instauration d’un temps de travail minimum va compliquer le quotidien des entreprises et détruire des emplois…
Céline Boff

Céline Boff

Bonne nouvelle pour ceux qui souhaitent travailler plus, et donc gagner davantage: ce mardi entre en vigueur la réforme du temps partiel. Désormais, les salariés devront effectuer au moins 24 heures par semaine ou 104 heures par mois. La mesure concerne les contrats signés à partir du 1er juillet, mais elle s’étendra progressivement à tous les salariés. Et à partir du 1er janvier 2016, le temps de travail minimum en France sera de 24 heures hebdomadaires.

Avec des exceptions toutefois. Cette évolution ne concernera pas les étudiants de moins de 26 ans, les employés de particuliers, les intérimaires, les salariés dont la branche a signé un accord dérogatoire et bien sûr, ceux qui souhaitent travailler moins. Si le patronat avait approuvé cette réforme il y a un an et demi dans le cadre de la négociation sur l’emploi, il fait désormais volte-face et demande au gouvernement des aménagements. Il menace même de boycotter la prochaine conférence sociale, qui doit s’ouvrir le 7 juillet.

D’abord, parce qu’il estime que peu de dérogations ont été signées avec les syndicats. Sur la centaine de branches existante, des accords ont été trouvés dans une vingtaine, comme dans la propreté, où les contrats seront limités à 16 heures, ou encore dans le secteur sanitaire et social, où le temps de travail s’échelonnera de 2 heures à 17h30 selon les métiers. «Ces dérogations couvrent seulement 15 % des salariés à temps partiel», se désole Geneviève Roy, de la Confédération générale des petites et des moyennes entreprises (CGPME).

«Il vaut mieux qu’un salarié travaille 14 heures que pas du tout»

«Or, nous avons besoin de pouvoir signer des contrats avec un temps de travail moindre dans tous les secteurs et l’intérim n’est pas la solution, surtout qu’il entraîne un surcoût pour l’entreprise. Et puis, il vaut mieux qu’un salarié travaille 14 heures par semaine que pas du tout. Cela lui laisse en plus le temps de trouver d’autres employeurs.»

D’après l’Union professionnelle artisanale (UPA), ce temps partiel minimum pourrait causer deux millions de licenciements. La CGPME évoque le chiffre de 600.000 emplois perdus. Sur son site, l’organisation interpelle les employeurs: «Allez-vous licencier à cause de la loi sur le temps partiel?». Si l’on en croit les répondants, 14.707 emplois seront à court terme détruits ou non créés.

«Mais ce risque sur l’emploi, les organisations patronales ne l’avaient pas évoqué au moment de la signature de l’accord!», s’agace Hervé Garnier, de la CFDT. «C’est un argument fallacieux. D’autres accords de branches vont être signés dans les prochains jours et puis, l’objectif n’est pas non plus de trouver des dérogations pour tous les métiers!» Pour ce syndicaliste, ce soudain revirement est plus politique qu’économique: «Ces organisations entendent le mécontentement de leurs membres, elles décident donc de crier avec les loups et font pression sur le gouvernement.»

«Contrebalancer d’autres évolutions plus favorables aux employeurs»

Pour l’économiste Xavier Timbeau, si la réforme du temps partiel peut détruire des emplois dans certains secteurs, elle peut en créer dans d’autres, «notamment dans la grande distribution, qui bénéficient par ailleurs du Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE)», estime-t-il. «Et puis, cette mesure est là pour contrebalancer d’autres évolutions plus favorables aux employeurs, par exemple en matière de licenciements collectifs. C’est cela, le compromis social».

Cette évolution a surtout pour ambition de lutter contre la pauvreté laborieuse: «Grâce au Smic, elle n’existe pas pour les temps pleins, mais les travailleurs pauvres sont de plus en plus nombreux à cause du développement du temps partiel», argue Xavier Timbeau. A l’heure actuelle, deux millions de salariés, et surtout de salariées, travaillent moins de 24 heures par semaine. Au-delà du salaire réduit, ces employés n’ont pas toujours accès à certains droits sociaux, comme la formation, les allocations chômage, les indemnités maladie, etc.