Réforme ferroviaire: La question du financement du rail au cœur des débats
TRANSPORTS•Les gages donnés vendredi par le gouvernement n’ont pas fait désarmer les grévistes, alors que le projet de loi arrive ce mardi à l’Assemblée nationale…Bertrand de Volontat
Alors que la réforme ferroviaire doit être discutée à l’Assemblée nationale ce mardi, et que les syndicats cheminots CGT et Sud-Rail sont en grève depuis six jours, la question de la dette et du financement ferroviaire reste l’un des volets majeurs du texte de loi.
Or, ce dernier ne s'attaque pas directement à la spirale de l'endettement du système ferroviaire, qui s'élève à 44 milliards d'euros, dette en grande partie contractée par l’État lors du développement des lignes à grande vitesse dans les années 1980- et augmente mécaniquement de 1,5 milliard d'euros par an.
Le gouvernement donne des gages
Pour y parvenir, la réforme prévoit la création d'un gestionnaire dunifié: SNCF et RFF se retrouveraient dès le 1er janvier 2015 dans une même organisation, avec d'un côté SNCF Mobilités qui gérerait les transports et de l'autre SNCF Réseau qui reprendrait les attributions de RFF. Une nouvelle organisation qui permettrait de réaliser 500 millions d’euros d’économies.
De plus, l’Etat a précisé qu’il abandonnerait ses dividendes de manière à générer 500 millions. «Encore faut-il faire des bénéfices», rappelle toutefois Jean Sivardière, président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut).
Enfin, la SNCF entend récolter 500 millions supplémentaires «en élaguant des services comme certaines lignes ou certains services SNCF», affirme Jean Sivardière. Des propositions qui rendent l’objectif de 1,5 milliard d’euros «peu probable», selon le président de la Fnaut. Les syndicats redoutent pour leur part que ces économies se fassent au détriment de l’emploi.
Face à ces inquiétudes, le secrétaire d’Etat aux Transports Fréderic Cuvillier a donné des gages vendredi dernier lors d’une première rencontre avec l’Unsa et la CFDT, sur l’emploi mais aussi sur le volet financier. Les «accords de modernisation» conclus le 13 juin prévoient ainsi d’introduire «l’obligation d’un rapport sur le traitement de la dette, présenté au Parlement afin d’examiner les solutions envisageables à moyen terme». Le gouvernement s’engage à proposer «avant la fin de l’année 2014 de nouvelles sources de financement destinées aux infrastructures de transport ferroviaire». Trois pistes principales sont aujourd’hui évoquées par les spécialistes.
Mieux encadrer les autres transports
Parmi elles, la fiscalité écologique. Une partie des recettes issues de l’écotaxe (prendre en compte la pollution, mais aussi l’usure des voies, engendrées par les routiers) devrait venir financer le rail, comme c’est déjà le cas en Suisse ou en Allemagne. Cette piste serait une avancée pour la Fnaut mais elle ne suffirait pas. «Il faut la mise en œuvre d’une fiscalité écologique», assène le président. La fédération donne aussi comme exemple qu’avec un centime de taxe supplémentaire sur le gazole, l’Etat pourrait générer jusqu’à «400 millions d’euros par an pour le financement du rail». «Il y a de nombreuses possibilités», poursuit Jean Sivardière.
Une autre piste serait de rendre les conditions de la concurrence des différents types de transports plus équitable en redonnant un avantage au ferroviaire. «Les autres modes de transport doivent payer ce qu’ils coûtent réellement aux contribuables», affirme la Fnaut. Par exemple, un meilleur encadrement tarifaire du transport routier permettrait de faire cesser la fraude et de redonner un avantage au fret. De même dans l’aérien, la fédération suggère de faire payer aux usagers le coût de l’effet de serre. C’est le principe du pollueur-payeur. «Avec cette hausse des prix dans l’automobile et l’aérien, l’idée n’est pas de pénaliser ces transports mais de permettre au ferroviaire de regagner de la clientèle», explique le président de la Fnaut.
Enfin, la SNCF peut faire des efforts de productivité. Pour cela il faudrait ouvrir le trafic voyageurs à la concurrence dans les TER et Intercités, comme dans le Fret, comme cela est le cas en Allemagne avec un fort développement du transport régional. «Ce point-là aussi est ignoré par la réforme», s’indigne Jean Sivardière.
Mais qu’elles soient ou non retenues, ces pistes ne satisfont pas la CGT et SUD-Rail: les deux syndicats grévistes de la SNCF qui entament ce mardi leur septième jour de grève jugent que «le projet de loi demeure fortement néfaste pour le service public SNCF et les cheminots». Ils réclament toujours un report de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.