INTERVIEWVie pro-vie perso: «Les entreprises ne doivent pas laisser chaque salarié se débrouiller avec son manager»

Vie pro-vie perso: «Les entreprises ne doivent pas laisser chaque salarié se débrouiller avec son manager»

INTERVIEWLa conciliation des temps personnel et professionnel dans l’entreprise sera le thème de la 11e Semaine pour la qualité de vie au travail qui démarre ce lundi...
Propos recueillis par Claire Planchard

Propos recueillis par Claire Planchard

Temps partiel, télétravail, horaires décalés, crèches ou encore conciergeries d’entreprise: les initiatives se multiplient pour permettre aux salariés de mener de front vie personnelle et vie professionnelle. Mais rares sont les entreprises qui adoptent déjà de véritables politiques en la matière. Dominique Vandroz, Directeur général adjoint de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) décrypte la montée de ces enjeux à l’occasion de la 11e Semaine pour la qualité de vie au travail consacrée à ce thème.

Pourquoi avoir choisi cette thématique cette année? La crise a-t-elle rendu ce problème plus aigu?

Année après année, ce thème prend de l’importance dans les études que nous menons auprès des salariés sur leur ressenti vis-à-vis de la qualité de vie au travail. Et cela s’explique sans doute par la façon dont se passe leur travail: même si infirmière, ouvriers, journaliste ou consultants, chacun à une situation bien particulière, les temps personnels et professionnels sont bien plus interpénétrés qu’auparavant. On amène du travail à la maison et la maison au travail ce qui conduit à rechercher davantage un équilibre.

Cette problématique a-t-elle un effet sur la qualité de vie et la santé des salariés?

La difficulté à concilier ces différents temps quand on a beaucoup de travail, qu’on a du mal s’occuper de ses enfants ou de son couple, ou à pratiquer des activités de loisirs exerce une pression dans les différentes sphères qui peut conduire dans les cas extrêmes au burn-out mais aussi à de la fatigue, du stress ou même de l’absentéisme. Mais il est important de souligner que même des modes de conciliation en apparence satisfaisants peuvent aussi avoir des effets pervers sur la santé: c’est le cas notamment pour une forme d’organisation très prisée dans le secteur médical qui consiste à travailler en continu pendant 12h puis à se reposer pendant quatre jours. A terme, cela peut avoir des effets pervers graves comme la désynchronisation.

Les hommes et les femmes sont-ils égaux face à ce problème?

A l’Anact nous pensons que la question de la conciliation n’est pas qu’une affaire de femmes. On pourrait le penser parce que la répartition des tâches ménagères est inéquitable mais en réalité ce n’est pas le cas: c’est une aspiration assez forte quels que soient la catégorie socioprofessionnelle et le sexe. Une telle lecture peut conduire certaines entreprises à accorder des temps partiels aux femmes. Mais si cette solution est positive pour elles, elle n’est pas forcément satisfaisante d’un point de vue collectif.

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Cela peut créer un sentiment d’injustice?

Oui c’est un risque, comme celui d’une désorganisation du travail. Aujourd’hui la majorité des entreprises ont tendance à laisser chaque salarié se débrouiller avec leur manager pour trouver des «arrangements» individuels. Quelques grandes entreprises mettent en place des crèches ou des conciergeries, mais ce n’est pas à la portée des PME. Globalement, la question de la conciliation entre vie personnelle et professionnelle n’est pas un sujet abordé franchement, à l’exception peut-être de la question du télétravail pour certaines fonctions ou secteurs d’activité. A l’Anact, nous plaidons au contraire pour que chaque entreprise pose le problème à son niveau, en fonction de son organisation propre, et travaille à partir de là sur des modalités facilitatrices qui pourront améliorer la performance de leurs salariés et même de réduire l’absentéisme.