Le contrat de mariage, nouveau gardien de la paix des ménages?
BUDGET•De plus en plus de couples y ont recours en France…Claire Planchard
Et si au lieu de tuer l’amour, le contrat de mariage pouvait le sauver? C’est ce que répètent à l’envi les notaires et leur intérêt financier (400 euros pour rédiger la majorité des contrats conclus avant le mariage, bien plus après) n’est pas le seul en cause.
«Le contrat de mariage n’est pas une question de richesse ou de patrimoine mais une question d’autonomie: cela permet, quasiment sur mesure, de rendre indépendants certains biens acquis pendant le mariage et de donner des droits à 50/50 sur d’autres, soit pour ne pas exposer tout son patrimoine quand on fait des investissements importants notamment en cas de risques avec les créanciers de son entreprise, soit pour ne pas avoir à racheter à son conjoint la moitié de son fonds de commerce en cas de divorce, mais aussi simplement pour protéger certains bien qu’ils ne veulent pas mettre en commun», résume Me Jean-Michel Boisset, notaire dans le Calvados.
64% de contrats de mariage en plus
Un argumentaire qui séduit de plus en plus de couples français et pas seulement les indépendants ou chefs d’entreprise soucieux de protéger leur famille d’une éventuelle faillite. En 2010, la part des couples mariés sous le régime de la séparation de biens atteignait ainsi 10% du total des couples mariés (et même 15% des couples formés depuis moins de six ans), contre 6,1% en 1992, une progression de plus de 64%… alors même que le recours au mariage chutait de 15 points sur la même période, selon une étude publiée en janvier 2014*.
«Deux grandes raisons expliquent cette forte hausse: le risque de divorce est aujourd’hui plus élevé, les individus ont intégré la probabilité qu’ils ne passeront pas toute leur vie ensemble et ne veulent pas prendre les mêmes risques», souligne Nicolas Frémeaux, chercheur en économie à l’université de Cergy-Pontoise (Val-d'Oise) et coauteur de l’étude, qui relève que pour 40% des couples choisissant la séparation des biens, un des deux conjoints a déjà été marié, contre 20% des couples mariés sous le régime de la communauté.
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«La seconde raison est plus patrimoniale: les couples qui choisissent le régime de la séparation de biens se rencontrent plus tard (34 ans en moyenne en 2010) que ceux mariés sous le régime de la communauté (30 ans en moyenne): ils ont déjà accumulé du patrimoine chacun de leur côté qu’ils sont moins enclins à partager», poursuit le chercheur… «Ce qui ne les empêche pas de disposer d’un compte joint pour les dépenses au quotidien de leur vie de couple.»
*Plus ou moins mariés: l’évolution du mariage et des régimes matrimoniaux en France, de Nicolas Frémeaux et Marion Leturcq, Economie et Statistique, N°462-463, janvier 2014