ECONOMIEHuile de palme: Pourquoi le prix du shampooing risque de flamber

Huile de palme: Pourquoi le prix du shampooing risque de flamber

ECONOMIELa production d'huile de palme, qui entre dans la composition d'une multitude de produits courants, en particulier l'alimentation et les cosmétiques, est menacée par la sécheresse et El Niño...
Une jeune femme tient une bouteille de shampoing dans un supermarché.
Une jeune femme tient une bouteille de shampoing dans un supermarché. - SUPERSTOCK/SUPERSTOCK
Mathias Cena

M.C. avec AFP

La sécheresse et un épisode climatique El Niño menacent la production d'huile de palme en Asie du Sud-Est avec, en bout de chaîne, une hausse du prix du shampooing ou du paquet de biscuits dans les supermarchés du monde entier.

Hausse des prix

L'huile de palme entre dans la composition d'une multitude de produits courants, en particulier l'alimentation et les cosmétiques. Elle provient à 85% d'Indonésie et de Malaisie. Les cours ont déjà commencé à monter après la sécheresse observée dans les deux pays en janvier et février, même si le fruit du palmier à huile peut vivre plusieurs mois sans eau.

L'Association indonésienne des producteurs d'huile de palme attribue d'ailleurs la hausse des cours à d'autres facteurs, estimant que les effets de la sécheresse devraient se faire sentir plus tard dans l'année. «Nous devrions en mesurer les effets à partir de septembre ou octobre, avec, en terme de production, une baisse à deux chiffres en pourcentage en Indonésie et en Malaisie», estime Tan Chee Tat, analyste du cabinet de courtage Philip Futures à Singapour. «Il est très vraisemblable que les entreprises répercuteront la hausse des prix sur les consommateurs», prévient-il.

La menace El Niño

L'Organisation Météorologique Mondiale (OMM), une agence de l'ONU, a annoncé en avril un «probable» épisode climatique El Niño dans l'océan Pacifique vers le milieu de 2014, susceptible d'affecter la production d'huile de palme en 2015. El Niño, qui se caractérise par des températures de surface de la mer anormalement élevées dans la partie centre-est du Pacifique tropical, a une incidence marquée sur le climat de nombreuses régions du monde et tend à faire monter la moyenne mondiale des températures.

Si l'épisode 2014 se révèle aussi sévère que celui de 1997-98, auquel sont imputés des dizaines de milliers de morts et de milliards de dollars de dégâts, il pourrait avoir des effets dévastateurs sur les plantations de palmiers à huile. Fadhil Hasan, directeur exécutif de l'association des producteurs indonésiens, rappelle qu'un phénomène semblable avait fait monter la tonne à 1.200 dollars (870 euros) en 2008, contre 930 USD actuellement. Il évoque néanmoins d'autres facteurs, comme la spéculation, pour expliquer la hausse des cours depuis le début de l'année.

L’inflation profiterait à l’huile de soja

Alan Lim, analyste chez Kenanga Investment Bank en Malaisie, estime lui que «dans le pire scénario», el Niño pourrait grever la production de 30% dans les deux pays six à douze mois après son passage, en 2015 donc. Une telle inflation, souligne-t-il, profiterait mécaniquement aux oléagineux alternatifs, en particulier l'huile de soja principalement produite au Brésil et aux Etats-Unis.

D'autres sont moins pessimistes, faisant valoir les propriétés avantageuses du palmier à huile qui donne des fruits deux fois par mois pendant deux à trois décennies, demande peu d'entretien et de terre, ce qui fait de cette huile végétale la moins chère du marché.

«La question n'est pas le volume d'huile de palme produit mais la façon dont elle est produite»

La filière craint surtout la pression croissante des organisations écologistes qui dénoncent bruyamment l'arrachage de forêts tropicales anciennes pour étendre les surfaces cultivées.

«La question n'est pas le volume d'huile de palme produit mais la façon dont elle est produite», explique Bustar Maitar, responsable de la campagne de Greenpeace pour les forêts indonésiennes.

«La production ne doit pas entraîner la destruction des forêts, le drainage des milieux humides ni contribuer aux immenses feux de forêts qui alimentent l'atmosphère en CO2 dans toute la région», ajoute-t-il. Les ONG accusent les plantations de palmiers à huile et les groupes de pâtes à papier de brûler les terres afin de réduire les coûts de défrichage.