Le Medef pour l'instauration d'un salaire transitoire en-dessous du Smic
Le président du Medef, Pierre Gattaz, a ouvert mardi la boîte ...© 2014 AFP
Le président du Medef, Pierre Gattaz, a ouvert mardi la boîte de Pandore en se disant favorable à un salaire «transitoire» inférieur au Smic pour encourager l'embauche des jeunes, suscitant un rejet du gouvernement et une réaction indignée des syndicats sur un sujet hautement sensible.
«Le niveau élevé du Smic est une marche d'escalier à franchir en France» pour trouver du travail, a affirmé M. Gattaz lors de son point de presse mensuel.
Une solution, selon lui, consisterait à «avoir temporairement un système permettant la première année» pour «un jeune ou quelqu'un qui ne trouve pas de travail, de rentrer dans l'entreprise de façon transitoire avec un salaire adapté, qui ne serait pas forcément le salaire du Smic», 1.445 euros bruts mensuels.
M. Gattaz a estimé qu'avec un «niveau de chômage à 11%», il fallait «explorer toutes les pistes». Il a souhaité en débattre «avec le gouvernement et les partenaires sociaux».
La première réaction du gouvernement a été un net refus: «Le Smic jeunes, nous y sommes bien sûr fermement opposés. Le sujet de l’emploi des jeunes mérite mieux que cela. Je verrai prochainement Pierre Gattaz pour lui en parler», a déclaré à l'AFP Najat Vallaud-Belkacem, ministre de la Jeunesse et des sports.
Le projet d'un Smic au rabais a laissé de douloureux souvenirs aux gouvernements qui l'ont tenté: le Contrat d'insertion professionnelle (CIP) d'Edouard Balladur en 1994 et le Contrat première embauche (CPE) de Dominique de Villepin en 2006 ont soulevé une telle levée de boucliers des jeunes qu'ils ont été abandonnés.
- «Provocation et indécence»-
Le président du Medef emboîtait le pas à l'ex-directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy, qui a récemment avancé l'idée de «petits boulots» payés en-dessous du Smic.
La réaction des syndicats à la proposition de Pierre Gattaz ne s'est pas fait attendre: «On rentre dans la provocation et l'indécence, c'est inacceptable», s'est insurgé sur i-Télé le numéro un de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly.
Il prévient que si le gouvernement suivait le Medef sur cette proposition, «nous n'hésiterons pas à mobiliser avec d'autres organisations». FO a rappelé que le Premier ministre Manuel Valls avait déjà «accédé aux revendications du Medef» en annonçant la suppression totale des charges pour les salariés payés au Smic.
«Avec le Smic transitoire, Pierre Gattaz ressort une idée du passé. Visiblement les mauvaises idées ne sont jamais transitoires», a réagi dans un tweet le numéro un de la CFDT Laurent Berger.
De son côté, le vice-président de la CFTC, Joseph Thouvenel, a déclaré à l'AFP sa totale opposition à «toute remise en cause du salaire minimum». «Celui qui travaille, quel que soit son âge, doit être payé correctement et dignement».
«Et s'il faut baisser des rémunérations, on peut imaginer que les plus hautes rémunérations commencent par montrer l'exemple», a-t-il ironisé.
Le prédécesseur de M. Gattaz à la tête du Medef, Laurence Parisot, n'a pas mâché ses mots: «proposer un salaire en-dessous du Smic s'apparente à une logique esclavagiste!», a-t-elle tweeté, estimant que ceux qui le proposent «font une erreur d'analyse sur les véritables causes du chômage».
Du côté des économistes, Gilbert Cette, qui a déjeuné avec deux de ses collègues, Philippe Aghion et Elie Cohen, mardi avec le président François Hollande, a estimé auprès de l'AFP que sur l'emploi des jeunes, «rien ne doit être tabou». Il faut étudier «ce qui s'est fait à l'étranger notamment en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas».
M. Cette a précisé que lors de ce déjeuner «tous les thèmes concernant la situation économique ont été abordés de façon franche, complète et sans a priori».
Pour Yannick L'Horty, professeur à l'université Paris-Est, «l'emploi est sensible au coût du travail, en particulier au voisinage du salaire minimum». Toutefois, selon cet économiste, il n'est pas nécessaire «d'agiter le chiffon rouge d'une baisse frontale du salaire minimum». D'autres solutions sont «aussi efficaces» comme de «désindexer temporairement le salaire minimum de l'indice des prix», selon lui.
Le débat sur le Smic est relancé au moment où le gouvernement allemand, sous la pression des sociaux-démocrates, vient de décider d'un salaire minimum -8,50 euros bruts l'heure- dont certains seront toutefois exclus.