Agriculture: «Les Allemands foncent et nous, on piétine»

Agriculture: «Les Allemands foncent et nous, on piétine»

INTERVIEW – Rencontre avec Christiane Lambert, vice-présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)...
Propos recueillis par Céline Boff

Propos recueillis par Céline Boff

Ils ne sont pas contents. Et ils vont le faire savoir. Ce vendredi, les syndicats et autres réseaux agricoles tiennent leurs Etats généraux. Une première, organisée à la veille de l’ouverture du très populaire salon de l’agriculture. 20 Minutes fait le point avec Christiane Lambert, vice-présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).

Pourquoi organisez-vous ces Etats généraux?

Parce que les difficultés s’amoncellent pour les agriculteurs. Ce vendredi, nos forces économiques et sociales vont se retrouver pour débattre des sujets sur lesquels nous voulons interpeller le gouvernement. A commencer par le coût du travail. Son niveau est tel que nos entreprises ne sont plus compétitives.

Aujourd’hui, 85% des fleurs achetées en France viennent de l’étranger. Hors domicile, huit poulets consommés sur dix sont aussi importés… Nos entreprises de production ne peuvent plus lutter et elles ferment leurs portes les unes après les autres. Il faut trouver d’autres moyens de financer la protection sociale, qui ne peut plus reposer sur les cotisations sociales.

Réduire ces cotisations, c’est justement ce que propose François Hollande avec son Pacte de responsabilité…

Oui, encore faut-il que l’on passe du discours à l’acte. Et rapidement. Si ce Pacte est réellement mis en œuvre, ce sera une bonne avancée, mais ce ne sera pas suffisant. Nous voulons qu’une TVA emploi, également appelée TVA sociale, soit instaurée. Elle viendrait taxer les produits importés dans l’agriculture, dans l’agroalimentaire et dans tous les secteurs de production.

Plusieurs ministres assisteront à ces Etats généraux. François Hollande sera présent samedi lors du lancement du salon de l’agriculture… Quelles mesures immédiates leur réclamez-vous?

Nous voulons que le Crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice) bénéficie aussi aux coopératives, qui en sont pour l’instant privées. Résultat: ce crédit profite davantage à des distributeurs comme Michel-Edouard Leclerc qu’à nos agriculteurs! Nous voulons également que le choc de simplification, tant promis par le gouvernement, soit immédiatement instauré.

Quelles simplifications attendez-vous?

Les décisions administratives doivent être plus rapides. Quand un agriculteur souhaite créer une unité de méthanisation, c’est-à-dire fabriquer de l’énergie à partir des déchets agricoles de son exploitation, il doit attendre quatre années avant d’obtenir l’autorisation d’édifier ce bâtiment… En Allemagne, l’accord est donné en six mois! Autre exemple: nous devons patienter deux ans et demi pour obtenir le permis de moderniser nos exploitations, contre seulement 6 à 8 mois en Allemagne. Les Allemands, ils foncent et nous, on piétine.

L’Allemagne exporte désormais plus que la France. En quelques années, notre pays est passé de la place de 2e exportateur agroalimentaire au 5e rang. Comment l’expliquez-vous?

Parce que nos exploitations et nos établissements de transformation sont trop anciens. Par exemple, les bâtiments pour les porcs ou les volailles ont en moyenne 22 ans, ils ne sont plus efficients. Nous devons moderniser ces installations et pour financer ces investissements, nous devons avoir accès aux crédits de la Banque publique d’investissement, ce qui n’est pas le cas actuellement, en tout cas, par pour les exploitations moyennes et plus modestes.

La France doit également investir dans la recherche agricole, ce qu’elle fait de moins en moins. Or, ce sont les pays qui financent massivement cette recherche qui parviennent à développer leur production agricole et à prendre des parts de marché à l’export. Comme l’Allemagne ou les Etats-Unis.