Budget: Malgré la crise, l'enfant reste roi
CONSOMMATION•Face à un pouvoir d'achat sous pression, préserver les dépenses dédiées à leurs enfants reste une priorité pour les parents, quitte à se serrer la ceinture ou à changer leurs habitudes...Claire Planchard
«Arbitrage». Voilà le maître mot d’une gestion budgétaire serrée. Après avoir rogné prioritairement sur l’habillement, les loisirs ou les vacances, dépenses jugées non essentielles, et multiplié les stratégies d’achat malin pour décrocher le meilleur prix, de plus en plus de Français se posent désormais la question des bénéficiaires de leurs dépenses. «Avant les ménages se demandaient quoi, comment, où acheter, maintenant ils se demandent pour qui», résume Flavien Neuvy, responsable de l’Observatoire Cetelem de la consommation. Et son édition 2012 consacrée aux classes moyennes, l’une des rares études chiffrées disponibles sur les destinataires des dépenses au sein des ménages, indique clairement que les enfants sont prioritaires.
«Le plus bel investissement»
A la question «Diriez-vous que vous faites déjà des sacrifices personnels afin de ne pas réduire les dépenses consacrées à votre enfant ?», 66% des parents interrogés répondaient «oui» et 29% «non mais je serais prêt(e) à en faire». En tête des dépenses concernées par ce nouvel arbitrage générationnel: les études et cours particuliers (30% des parents disent faire des sacrifices personnels pour les financer), les soins de confort comme l’orthodontie (29%) et les vêtements de marque (25%). «La crise a accentué cet arbitrage générationnel car les parents des classes moyennes ont de plus en plus peur d’un déclassement de leurs enfants par rapport à eux-mêmes. Du coup ils surinvestissent, avec le souci permanent qu’ils ne manquent de rien», analyse Flavien Neuvy.
«Beaucoup de variables non économiques entrent en ligne de compte dans le budget alloué par chaque famille aux enfants», observe Joël Brée, professeur à l'IAE de Caen et à l’EM Normandie et auteur de Kids Marketing (EMS, 2012). «Des tendances sociologiques lourdes, comme la maîtrise du désir d'enfant lié à la contraception, contribuent à ce que l’enfant devienne presque un investissement. Mais à structure financière comparable, le niveau de ces dépenses pourra aussi fortement varier selon les valeurs et selon l’éducation que les parents veulent transmettre», note-t-il.
«L’enfant est aujourd’hui perçu comme le plus bel investissement et malgré la crise, le budget qui lui est dévolu au quotidien est le dernier sur lequel on va rogner», confirme Isabelle Mazarguil, dirigeante de l’agence de conseil en marketing Junior&Co. Dans une de ses récentes études*, 100% des parents déclaraient ainsi ne pas placer le prix en tête de liste des critères d’achat pour les produits pour enfants, «là où 2 parents sur 3 déclarent qu’il est le critère numéro 1 des achats courants, notamment dans cette période de crise». Pour ces achats, ce sont le «souhait de l’enfant» et le «rapport qualité/prix» qui priment.
Promotions et occasions
Une double exigence qui a contribué à modifier fortement les comportements d’achat de parents en quête des meilleures affaires. De janvier à septembre 2012, les ventes de jouets sous promotion ont ainsi augmenté de 16% et représentent dorénavant 25% du chiffre d’affaires sur le marché du jouet, selon le cabinet NPD Group. La part des achats effectués en ligne a elle progressé de 74% entre pour atteindre 12,8% des ventes de jouets. «On pourra acheter des Lego en promo chez un hard-discounter mais on n’achètera pas des Lego de sous-catégorie», résume Isabelle Mazarguil.
Les achats d’occasion progressent aussi à grande vitesse, notamment dans la puériculture: selon une étude de NovaChild de juin 2012, 46 % des jeunes parents se sont posé la question de l'achat d'occasion sur les marchés enfants (vêtements, jouets, puériculture, etc), et 25% sont déjà passés à l’acte. Objectif: acheter moins cher et plus. Mais aussi plus responsable.
*Etude réalisée par l’Institut Juniors & Co en mars 2013, d’abord avec des entretiens semi-directifs auprès de 30 familles puis sous forme d’étude quantitative auprès de 550 familles.