Pourquoi il faut supprimer le billet de 500 euros
INTERVIEW•Le livre «Cache cash» lève le voile sur l’argent liquide illégal qui circule en France...Propos recueillis par Mathieu Bruckmüller
Spécialistes des affaires judiciaires, Mathieu Delahousse et Thierry Lévêque expliquent dans Cache cash, sorti le 18 septembre, les raisons pour lesquelles le cash ne connaît pas la crise. Argent des commerçants, travail au noir, trafic de drogue, affaire Bettencourt, caisse noire du patronat… La fraude se cache dans toutes les strates de la société. Les deux journalistes répondent aux questions de 20 Minutes.
A l’heure des transactions électroniques, il n’y a jamais autant de cash illégal en circulation. Pourquoi?
Durant les années 1980-1990, le transfert d’argent électronique notamment vers les paradis fiscaux était à la mode pour les fraudeurs. Problème, ces transactions laissent des traces qui peuvent tomber dans les mains des services de renseignements, comme le prouve l’affaire Snowden, et de la justice. Les fraudeurs désormais reviennent à des méthodes «paysannes» en utilisant le cash. La preuve: au premier trimestre 2013, plus de 103 millions d’euros en liquide ont été saisis par les Douanes. Un chiffre en hausse de 518,6% sur un an. Comme l’expliquait l’un d’entre eux à un juge: «Il n’y a rien de plus solide que le liquide.»
Avez-vous été surpris par l’ampleur du phénomène en France?
Travail au noir, arnaque à la caisse enregistreuse chez certains commerçants pour ne pas payer la TVA, dessous de tables pour des opérations chirurgicales, prostitution, traite des êtres humains, financement des partis politiques, trafic de drogue et bien sûr la fraude fiscale… Cela représente plusieurs centaines de milliards d’euros chaque année grâce à l’utilisation de l’argent liquide. Pour les seules activités licites dissimulées au fisc, ces sommes, si elles étaient déclarées, régleraient en partie le problème de nos déficits.
La solution serait notamment de supprimer les billets de 500 euros. Pourquoi?
Le billet de 500 euros est devenu un objet de dissimulation. Hormis celui de 1.000 francs suisses, il n’y a pas de plus grosse coupure dans le monde. Le billet de 500 euros sert essentiellement aux criminels, car il se transporte facilement en peu de volume, et très peu aux citoyens, qui ne peuvent même pas l'utiliser dans les commerces. La Grande-Bretagne a interdit la vente et le change de billets de 500 euros. Une solution radicale prônée par la cellule française de lutte contre le blanchiment d'argent, Tracfin, et par Didier Migaud en 2009, aujourd’hui président de la Cour des comptes, et à l’époque président socialiste de la commission des Finances de l'Assemblée nationale. Le prix à payer pour réduire la circulation d’argent illégal est donc de supprimer cet étendard de l’euro. Et par extension les billets de 200 et de 100 dont l’utilisation est souvent aussi suspecte.
Mais depuis le status quo demeure…
Un débat s’est amorcé mais la Banque Centrale européenne fait la sourde oreille. Il y a un aspect très symbolique: supprimer trois coupures phares serait un aveu de faiblesse de la monnaie unique au moment où son existence est remise en question avec la crise des dettes souveraines. Pourtant, en supprimant le billet de 500, l’Europe deviendrait plus riche.