Licenciements collectifs: Ce que pourrait changer la future loi

Licenciements collectifs: Ce que pourrait changer la future loi

EMPLOI – Alors que les plans sociaux se multiplient en France, le projet de loi sur l'emploi, présenté ce mercredi en Conseil des ministres, fait évoluer les procédures des licenciements collectifs...
Céline Boff

Céline Boff

Le projet de loi sur l’emploi, issu de l’accord signé par les partenaires sociaux en janvier, doit être présenté ce mercredi en Conseil des ministres. S’il aborde de nombreux points, que changera-t-il en matière de licenciements collectifs, alors que les plans sociaux se multiplient en France?

Première évolution: le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), également appelé plan social, devra désormais être validé par les syndicats. En tout cas par une majorité d’entre eux: les signataires de l’accord devront représenter au moins 50% des suffrages exprimés lors des dernières élections.

Pour Me Romain Chiss, avocat spécialisé en droit social: «Si la direction parvient à convaincre les syndicats –ce qui sera très difficile- l’accord signé aura une vraie légitimité». Ce qui inquiète Me Roger Koskas, avocat également spécialisé en droit social: «C’est un rôle terrible donné aux organisations: elles vont se sentir obligées de signer, par peur de perdre davantage d’emplois, et limiteront ainsi le pouvoir de contestation de certains salariés». L’accord permettra surtout à la direction de déroger aux délais légaux prévus par la loi, et donc d’aller beaucoup plus vite dans la mise en œuvre de son plan social.

Le motif économique pas étudié

Mais sans accord syndical, l’entreprise devra passer par la case administration. La Direction de l’emploi (Direccte) ne se contentera plus d’examiner le PSE, mais devra le valider… ou l’invalider. Si le plan social n’est pas homologué, la direction de l’entreprise ne pourra plus le mettre en œuvre et devra revoir sa copie.

Dans une interview accordée à Libération, le ministre du Travail Michel Sapin assure: «Si une entreprise veut licencier alors que sa situation ou celle de son groupe n’est pas si critique, mon administration sera là pour exiger de vraies garanties de reclassement pour les salariés, et renchérir le coût des licenciements éventuels».

Or, d’après les deux avocats en droit social interrogés par 20 Minutes, la Dirrecte se prononcera sur la forme (respect des délais, des procédures, etc.), mais pas sur le fond: «Elle n’évaluera pas si les difficultés économiques de l’entreprise sont réelles et si elles justifient un plan social», avance Me Romain Chiss.

L’administration pourra-t-elle toutefois évaluer si les mesures prises par l’employeur dans son PSE sont suffisantes au vu de ses moyens financiers? «Il est pour l’heure difficile de l’affirmer, il faut attendre ce que diront précisément les circulaires administratives», répond Me Romain Chiss. A priori, la Direccte devrait effectivement regarder de près les garanties de reclassement des salariés.

Des recours en aval et non plus en amont

Comme c’est déjà le cas aujourd’hui, seuls les Prud’hommes pourront évaluer la pertinence économique d’un plan social. Le salarié devra continuer de les saisir pour obtenir, si les difficultés de l’entreprises ne sont pas réelles, ou pas suffisamment réelles, des dommages et intérêts. Les Prud’hommes ne peuvent toutefois pas annuler un plan social, ni même exiger un retour du (des) salarié(s) dans l’entreprise. Le projet de loi ne le prévoit toujours pas. Les délais de recours devant les conseils de Prud’hommes devraient quant à eux être raccourcis, et passer à deux ans, contre cinq actuellement. Notez que ce temps de recours est le plus long d’Europe.

Autre nouveauté majeure: les salariés, le comité d’entreprise ou encore les syndicats ne pourront plus saisir la justice en amont de la mise en œuvre du plan social. Les recours qu’ils pouvaient jusqu’à présent effectuer repoussaient parfois jusqu’à un an l’application du PSE.

Les seuls recours qui pourront désormais être conduits le seront en aval du plan social, et plus auprès du juge judiciaire, mais du juge administratif. C’est une évolution majeure. Les avocats s’attendent à de grosses difficultés au départ, les juges administratifs n’ayant jamais eu à traiter les contentieux sur le plan social. A priori, les délais de traitement devraient également être allongés.

Le Parlement commencera à discuter de ces dispositions, et plus largement du projet de loi sur l’emploi, dès le mois d’avril.