Aides aux entreprises: La puissance publique donne-t-elle 60 milliards d'euros dans le vent?
SOUTIEN – L'Etat et les collectivités territoriales accordent chaque année de 50 à 100 milliards d'euros d'aides aux entreprises. Une somme colossale qui profite peu aux PME...Céline Boff
Chaque année, les entreprises françaises reçoivent jusqu’à 100 milliards d’euros d’aides publiques. Une somme largement supérieure au budget de l’Education nationale (62,7 milliards), premier poste de dépenses de l’Etat.
Ces aides se déclinent sous bien des formes, depuis les prêts jusqu’aux exonérations de charges, en passant par les taxations réduites ou encore les allocations. Selon la définition retenue, et notamment la prise en compte ou non de la fiscalité, le montant de ce soutien varie de 50 à 100 milliards d’euros. Le cabinet Ernst & Young vient de se pencher sur ce système, en retenant comme base une enveloppe de 60 milliards d’euros.
Plus de 6.000 dispositifs d’aides coexistent
Le cabinet profite de l’occasion pour rappeler que seulement 9% de cette somme sont spécifiquement ciblés vers les PME. Ces entreprises sont pourtant les plus créatrices d’emplois: ils y progressent de 1% chaque année, contre seulement 0,5% dans les grandes entreprises. Pire, les plus petites sociétés, celles de moins de 50 salariés, sont les moins soutenues: à peine quatre sur dix parviennent à décrocher une aide publique, quand plus de la moitié des filiales de grand groupe y ont accès.
Sans doute parce que la lisibilité de ces aides est un vrai casse-tête. C’est ce que pensent plus de 7 entreprises sur 10. Car le système s’apparente à une véritable usine à gaz: plus de 6.000 dispositifs coexistent et ils sont mis en œuvre par de multiples intervenants, depuis les services de l’Etat jusqu’aux associations, en passant par les collectivités territoriales ou encore les chambres consulaires. Pour les entreprises, et a fortiori les plus petites, demander une aide est un vrai parcours d’obstacles, si ce n’est un parcours du combattant.
Seules trois entreprises sur dix jugent le dispositif efficace
Au final, et c’est là que le bât blesse au vu des 50 à 100 milliards d’euros investis par la puissance publique, seules trois entreprises sur dix jugent le dispositif efficace. D’ailleurs, plus que les aides, les sociétés attendent avant tout «davantage de stabilité fiscale, une plus grande flexibilité du droit du travail et un coût du travail allégé».
Rappelons que le gouvernement s’est emparé des deux derniers sujets à travers la négociation emploi et le pacte pour la compétitivité. Rappelons également qu’avec un taux de 36,15%, l’impôt sur les sociétés en France est le plus élevé d’Europe. Et surtout, qu’il progresse. Depuis 2009, il a enregistré une hausse de 5%, alors qu’il diminuait en moyenne de 0,38% dans les autres pays de la zone euro.
Pour Ernst & Young, «il est urgent d’évaluer régulièrement l’efficacité des principaux dispositifs d’aide», alors que 90% des entreprises affirment ne jamais avoir été consultées sur l’efficacité du soutien reçu. Et pourtant, les rapports ne manquent pas sur le sujet. Le gouvernement a malgré tout décidé de lancer son propre audit. La semaine dernière, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a installé la mission de «modernisation des aides publiques aux entreprises».
Des experts vont devoir faire le point sur le système existant et proposer d’ici au mois de mai des pistes d’amélioration. Avec un impératif: réaliser des économies. Sur une enveloppe de 55 milliards –le gouvernement n’a pas retenu les aides à la presse, les taux réduits de TVA, le crédit d’impôt recherche ou encore les exonérations de charges sur les bas salaires– l’objectif est de dégager un milliard d’économies en 2014 et un milliard supplémentaire en 2015.