Le Niger veut-il se débarrasser d'Areva?

Le Niger veut-il se débarrasser d'Areva?

STRATEGIE – Le président nigérien veut revoir son partenariat avec Areva, jugé peu lucratif. Alors que le Niger éclaire une ampoule française sur trois, «20 Minutes» fait le point sur les conséquences possibles pour les Français...
Céline Boff

Céline Boff

«La France ne défend aucun intérêt au Mali, à part combattre les fanatiques, le terrorisme et la barbarie», a déclaré samedi François Hollande, en visite à Bamako.

Reste qu’à quelques kilomètres de là, dans le Niger voisin, la France a de grands intérêts à défendre. Des intérêts nucléaires, à travers l’entreprise Areva. Et ils semblent menacés. Pas seulement par les terroristes islamistes, mais par le gouvernement nigérien lui-même. Explications.

Pourquoi Areva est-il au Niger?

Parce qu’il y extrait de l’uranium. Cette matière permet au groupe français –il est détenu à plus de 14% par l’Etat et à près de 69% par l’organisme public CEA (Commissariat à l’énergie atomique)– d’alimenter ses centrales nucléaires en France. Areva en revend également à des clients étrangers. L’uranium nigérien représente environ un tiers des besoins d’Areva. Pour les deux tiers restants, il s’approvisionne au Canada et au Kazakhstan.

Que lui coûte cette présence?

Cher, en termes de sécurité. Car il lui faut se protéger des rebelles et des terroristes islamistes. La sécurité est encore montée d’un cran depuis la prise d’otages de janvier à In Amenas, en Algérie. Ses sites nigériens, déjà surveillés par des équipes privées, ont reçu le renfort de réservistes des forces spéciales françaises. «Elles n'interviendront pas gratuitement et Areva se verra présenter une facture, sans doute assez salée», avance Le Point.

Les enlèvements se multiplient malgré tout: en juin 2008, quatre de ses salariés sont enlevés. Ils sont relâchés quelques jours plus tard. En octobre 2009, quatre autres salariés du groupe –des géologues- sont également enlevés, mais seulement quelques heures. En septembre 2010, sept employés –dont certains sont salariés de l’un de ses sous-traitants- sont encore pris en otage. Les ravisseurs relâchent rapidement trois d’entre eux mais détiennent toujours les quatre autres, de nationalité française.

Malgré ces risques, Areva ne compte pas lâcher le Niger. Encore moins maintenant. Car le géant français y exploitera bientôt un nouveau site -celui d'Imouraren. Il ne s’agit pas de n’importe quel gisement: Imouraren est considéré comme la seconde mine d’uranium la plus importante au monde, après celle d’Olympic Dam, en Australie. Pour décrocher cette exploitation, Areva aurait promis de reverser 60% des revenus à l’Etat du Niger. Et comme l’extraction, initialement prévue pour 2013, a été repoussée fin 2014, Areva a décidé de verser 35 millions d'euros au Niger, à titre de «compensation» pour l'année de retard prise.

Que veut le Niger?

Davantage d’argent. La pression a commencé au mois d’octobre et ce week-end, Mahamadou Issoufou, le président nigérien, a remis un coup de pression.

Alors que le Niger est l’un des plus grands producteurs d’uranium au monde, cette ressource rapporterait au pays «100 millions d’euros par an. Ca représente 5% à peine de notre budget, ce n’est pas admissible. C’est pour cela que j’ai demandé un équilibrage du partenariat entre Areva et le Niger», a expliqué le président. Selon diverses ONG, seulement 12% de la valeur de l'uranium produit au Niger reviendrait au pays. Rappelons qu’en 2012, Areva a réalisé avec son activité uranium –dont le tiers provient du Niger- un chiffre d’affaires de 1,36 milliard d’euros.

Outre la renégociation du partenariat, le président nigérien a dit sa volonté de trouver de nouveaux partenaires. Les Chinois pourraient être intéressés. Ils ne sont pas les seuls: en 2007, l'Etat nigérien avait reçu des demandes de sociétés nord-américaines, australiennes, asiatiques et sud-africaines.

Quelles seraient les conséquences pour la France?

Si la France a choisi le nucléaire, c’est surtout pour garantir son «indépendance énergétique». Un argument à relativiser dans la mesure où elle doit importer la totalité de son uranium. Et un accès plus limité à l’uranium nigérien ne serait pas sans conséquence. Areva pourrait être contraint de se tourner vers les marchés internationaux pour s’approvisionner en minerai, et dépendre des fluctuations des prix. S’ils sont actuellement autour de «42 dollars la livre, il faut se rappeler que les prix avaient atteint les 140 dollars la livre en 2007», rappelle le journaliste spécialisé Florent Detroy.

Si Areva devait s’approvisionner sur les marchés, cela ferait progresser les prix de l’uranium, déjà hauts au vu de la demande des pays émergents. Une augmentation qui serait sans doute relayée sur les prix du kWh en France.