Fiscalité du numérique: une mission gouvernementale propose de taxer les données
•Une mission gouvernementale chargée de faire des propositions ...© 2013 AFP
Une mission gouvernementale chargée de faire des propositions en matière de fiscalité de l'internet préconise de taxer les acteurs du web sur le volume de données personnelles qu'ils collectent et exploitent, selon ses conclusions rendues publiques vendredi.
Pierre Collin, conseiller d'Etat, et Nicolas Colin, inspecteur des Finances, se sont vu confier en juillet une mission d'expertise pour réfléchir sur une «contribution à l'effort fiscal» des groupes internationaux qui «éludent ou minorent» leur imposition en France, tels Google, Apple, Facebook et Amazon.
Leur rapport juge que la France doit «recouvrer le pouvoir d'imposer les bénéfices qui sont réalisés sur le territoire par les entreprises de l'économie numérique». Mais les deux hauts fonctionnaires reconnaissent qu'il est «impossible de parvenir à ce résultat de manière isolée».
De fait, MM. Colin et Collin renvoient aux discussions au niveau européen et au sein de l'OCDE sur l'harmonisation fiscale, mais «dans l'attente de l'aboutissement de ces négociations», ils font une série de propositions «pouvant être prises à l'échelon national».
Le rapport part du constat que «les données (personnelles) collectées et traitées sont représentatives de la valeur créée par les internautes français et captées par les grandes entreprises du numérique», et prouve que ces dernières ont une activité économique sur le territoire.
Leur idée principale est donc d'«instituer une fiscalité spécifique du type de la taxe générale sur les activités polluantes ou de la +taxe carbone+».
«Mais au lieu d'appliquer aux émissions de gaz à effet de serre, cette fiscalité s'appliquerait aux pratiques de collecte, de gestion et d'exploitation commerciale de données personnelles, issues d'utilisateurs localisés en France», est-il indiqué.
Dans la pratique, MM. Colin et Collin proposent que les entreprises quantifient elles-mêmes, «sous le contrôle de l'administration fiscale, le volume de données qu'elles collectent et exploitent».
Les rapporteurs reconnaissent que l'application de ce nouveau système fiscal est un «chantier ambitieux», et prévoient qu'au cas où des entreprises ne collaboraient pas pleinement à cette déclaration, l'Etat pourrait alors mettre en oeuvre «une imposition du volume de données sortant».
«On ne peut plus permettre que l'Europe soit un paradis fiscal pour certains acteurs», avait souligné plus tôt dans la journée la ministre déléguée à l'Economie numérique Fleur Pellerin, évoquant des «prédateurs en termes de fiscalité».
Vendredi après-midi, dans une interview au Monde, Mme Pellerin a également évoqué une «guerre» contre «la nouvelle piraterie fiscale».
«Nous ne pouvons pas continuer à nous laisser piller ainsi éternellement. Les données de citoyens français et européens sont exploitées, à leur insu, outre-Atlantique, et rapportent des centaines de millions de dollars aux géants du net», a ajouté Mme Pellerin.
A lui seul, Google aurait réalisé en 2011, en France, un chiffre d'affaires compris entre 1,25 et 1,4 milliard d'euros, principalement issu de l'activité régie publicitaire sur internet, mais il n'aurait reversé qu'un peu plus de 5 millions d'euros au titre de l'impôt sur les sociétés.