Après six plans de rigueur, l'Irlande se relève
REPORTAGE•A l'aube de l'austérité qui attend les Français en 2013, «20 Minutes» s'est tourné vers Dublin. Plongée dans une profonde crise depuis 2008, l'Irlande entraperçoit à nouveau les voies de la croissance après six plans de rigueur en deux ans...Bertrand de Volontat
De notre envoyé spécial à Dublin
«L’austérité est bonne si elle est nécessaire et elle fonctionne en Irlande car nous sommes un petit pays à l’économie ouverte sur le monde», assure Fergal O’Brien, économiste et fiscaliste en chef de l’IBEC (l'équivalent du Medef). L’Irlande est loin d’une sortie de crise mais avec une croissance de 1,4% en 2011, le pays insulaire n’est plus l’homme malade de l’Union européenne. Même si l’ex-tigre celtique, qui culminait à 10% de croissance en 2000, doit faire face à un taux de chômage de 14,7%, à des difficultés à rembourser les 85 milliards d’euros du plan de sauvetage européen de 2010, et qu’il a dû se résoudre à un sixième plan de rigueur (depuis le premier en 2010) le 6 décembre.
Un sixième plan à prendre avec des pincettes
Un nouveau serrage de ceinture qui fait grincer des dents chez une population d'ordinaire calme. Et pour cause: outre une nouvelle taxe immobilière, il prévoit notamment une réduction des allocations familiales. En deux ans, les hausses d'impôts et les économies ont représenté 25 milliards d’euros. Résultat: la consommation intérieure rechute par rapport à 2011 (-2,3%).
Le pays cependant pourrait bientôt voir la lumière au bout du tunnel. «Encore deux budgets d’austérité sur les trois prochaines années - soit 8 milliards d’économies», assure Antoin Murphy, professeur d’économie au Trinity College de Dublin, bien que les banques, à l'origine de la crise sur fond d'éclatement d'une bulle immobilière, restent convalescentes.
Pourquoi l’austérité a bien marché d’un point de vue social
«Les Irlandais sont réalistes car l’austérité fiscale répond en partie aux excès du passé», juge Antoin Murphy. La flexibilité du travail a permis aux salariés des secteurs les plus touchés durant la crise, comme la construction, à retrouver plus facilement un emploi. N'empêche, les salaires ont été réduits de 3-4% dans le privé et de -15% dans le public en quatre ans.
Une réduction de la demande intérieure qui a poussé les entreprises à miser sur l'export. «Nous avons été plus compétitifs à l’international grâce à un euro plus faible», précise Fergal O’Brien. L’international est devenu depuis deux ans le fer de lance de la petite île anglo-saxonne de 4,6 millions d’habitants. Dans le même temps, elle a continué à dresser le tapis rouge (avec notamment IDA) pour les multinationales notamment la Silicon Valley. Après Microsoft dans les années 1990, Google, Facebook, LinkedIn ou encore Dropbox ont posé leurs valises. Pourquoi ce choix? L'Irlande est un pays anglophone, le plus proche géographiquement des Etats-Unis et qui fait partie de la zone euro.
Enfin, la flexibilité de la main d’œuvre, l’âge de la retraite à 67 ans et la fiscalité avantageuse (notamment les 12,5% d’impôts sur les sociétés) pèsent. Si l’Irlande s’appuie sur ses grosses compagnies internationales (110.000 emplois dont de nombreux Français), elle n’oublie pas ses pépites à l'instar de Ryanair ou Airlingus dans l'aérien, mais aussi son écosystème de startups technologiques (notamment sous l'impulsion d'Enterpise Ireland), de groupes pharmaceutiques et de biotechs.
Les raisons d’y croire?
Plus de 20.000 emplois ont été créés sur les cinq derniers mois dans le secteur privé, les partenariats privé-public redémarrent, le marché de l’immobilier se stabilise avec plus de transactions, et la distribution redémarre. Et le pays fait son retour sur le marché de la dette. C’est sur ces piliers que les Irlandais se basent pour y croire. «L’économie va continuer de grossir malgré la rigueur», prédit Fergal O’Brien. La meilleure illustration du rebond irlandais: les jeunes qui étaient partis trouver du travail, en pleine crise, aux Etats-Unis, au Canada et en Australie commencent à revenir.