Compétitivité: «Il faut recréer un environnement de confiance dans la durée»
INTERVIEW•Pierre Gattaz, président du Groupe des fédérations industrielles (GFI), détaille ses attentes au lendemain de la présentation du rapport Gallois...Propos recueillis par Claire Planchard
Comment doper la croissance des entreprises françaises et leur donner les armes pour batailler sur les marchés mondiaux, à l’image de leurs concurrentes allemandes? C’est la question que 20 Minutes a posée à Pierre Gattaz, président du GFI et PDG de Radiall, une entreprise de taille intermédiaire qui réalise, depuis vingt ans, 80% de son chiffre d’affaires à l’export.
Comment favoriser aujourd’hui en France le développement d’entreprises industrielles exportatrices, à l’image de celles qui font la force de l’économie allemande?
Il y a aujourd’hui trois urgences pour développer les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et permettre aux PME françaises de devenir des ETI. La première est, bien évidemment, l’allégement des charges qui pèsent sur le coût du travail, comme préconisé par le rapport Gallois. Les marges en France ne sont que de 27%, contre 37% de moyenne dans l’Union européenne. Cette impulsion préalable est donc nécessaire.
Et que pensez-vous des mesures en faveur de l’innovation ou de l’aide à l’export?
La deuxième urgence est en effet la compétitivité « hors coûts», c'est-à-dire la qualité et l’innovation. Il est important de se différencier par la qualité de nos matériaux, de nos process industriels mais aussi en matière de services ou de ressources humaines. C’est un véritable travail de fond et il nous faut, sur ce point, une trajectoire de compétitivité pour montrer que la France est synonyme de qualité, à l’image de l’Allemagne. Mais cela ne sera possible que si l'on crée l'impulsion au départ, le choc de compétitivité préconisé par le rapport Gallois pour restaurer nos marges, et si on restaure aussi la confiance.
C’est aujourd’hui un frein important à la compétitivité des entreprises françaises?
On ne pourra pas gagner la guerre économique si l’état-major tire dans le dos des fantassins. Les entreprises ont besoin d’être un peu considérées et que l’on explique que ce sont elles, les vecteurs de richesse et d’emploi. Il faut aussi arrêter de diviser car la réussite du pays viendra de toutes les forces vives, c'est-à-dire des patrons mais aussi des cadres, des ouvriers. Il faut donc que les élus successifs créent un environnement de confiance, dans la durée, pour que notre terreau économique soit à nouveau fertile. Aujourd’hui, on a de belles plantes dans notre pays, mais l’environnement peut être anxiogène, instable ou même antiéconomique. Si le terreau français redevient fertile, les patrons de PME ne voudront pas se vendre au bout de cinq ans.
La réindustrialisation de la France est-elle possible?
L’industrie n’est pas morte, et après avoir longtemps souligné ses faiblesses, la classe politique redécouvre depuis quelques années ses vertus. Il faut aujourd’hui aller au bout de ce processus, sans pour autant cliver. Luxe, agroalimentaire, économie numérique, tourisme… Tout est important. Je pense qu’il faut s’inspirer du pragmatisme de nos concurrents allemands et abandonner notre dogmatisme et nos grands discours intellectuels pour revenir au bon sens paysan. La finalité, c’est l’emploi, et si les services permettent de créer des emplois «tactiques», comme dans le cas des services à la personne par exemple, l’industrie, notamment par l’innovation et l'exportation, permet quant à elle de créer des «emplois stratégiques». Et c’est précisément ce qu’ont fait les Allemands.