TRANSPORTLe plan de bataille de la SNCF pour remédier à l'endettement du rail

Le plan de bataille de la SNCF pour remédier à l'endettement du rail

TRANSPORTLe groupe propose de partager 30 milliards de dettes en trois. Les usagers et les contribuables ne seraient pas épargnés...
Mathieu Bruckmüller (A Berlin)

Mathieu Bruckmüller (A Berlin)

Alors que Réseau ferré de France (RFF) croule sous une dette, 30 milliards d’euros, la SNCF qui espère bien mettre la main sur le gestionnaire du réseau, se dit prête à un effort pour sortir de cette «impasse financière».

Depuis Berlin où le transporteur avait réuni les journalistes, Sophie Boissard, la directrice générale déléguée en charge de la stratégie et du développement, a proposé vendredi de partager en trois l’endettement de RFF qui doit atteindre, selon les projections, 51 milliards d’euros en 2025, et menace les investissements futurs.

Nouvelle gouvernance du rail

La SNCF, dont la dette est stabilisée à 6 milliards d’euros en 2017 contre 8,5 milliards en 2010, pourrait en prendre une partie à sa charge. Une option envisageable dans le cas où le gouvernement accepterait de créer, sur la base du modèle allemand, un groupe ferroviaire public unifié qui réunirait la SNCF et RFF.

Le ministre des Transports doit rendre dans les semaines à venir ses orientations sur la gouvernance et le cadre social du rail, avant le vote d’une loi au deuxième trimestre 2013, à l’occasion des 75 ans de l’opérateur.

Si Frédéric Cuvillier donne gain de cause à la SNCF, celle-ci en échange de son coup de pouce à RFF, une participation au capital par exemple, entend bien «avoir voix au chapitre sur les décisions prises» par ce dernier. Mais ce ne sera pas suffisant pour résorber le poids de sa dette.

Sophie Boissard appelle donc aussi à un effort de l’Etat pour «renflouer le système» via, pourquoi pas, une «contribution extraordinaire». Et dans ce schéma, les usagers ne seraient pas épargnés: une hausse du prix des billets est clairement envisagée.

Une séparation décriée

Présente pour la première fois sur le salon Innotrans (salon international des technologies du tranport) qui se déroulait la semaine dernière dans la capitale allemande, la SNCF milite donc activement pour que la France prenne exemple sur la Deutsche Bahn (DB), l’opérateur historique allemand, qui réunit le transport des passagers, du fret et la gestion des infrastructures.

La séparation décidée en 1997 dans l’Hexagone ne fait que des mécontents. Mais RFF ne veut pas se faire avaler par son frère ennemi. Le mandat de son patron, Hubert Du Mesnil, qui prenait fin le 5 septembre, a été prolongé de quelques semaines. Celui de Guillaume Pépy, son rival de la SNCF, s’achève au printemps 2013, mais il se verrait bien prendre la tête du nouvel ensemble.

A l’occasion d’un discours devant la presse française, le patron de la DB, Rüdiger Grube, en présence de Guillaume Pépy a rappelé ce qui a fait, à ses yeux, le succès de la réforme ferroviaire allemande enclenchée en 1994. Endettement divisé par deux à 16,6 milliards d’euros, réforme du statut des cheminots, rentabilité accrue malgré l’arrivée de la concurrence, généreux dividendes (525 millions d’euros en 2011), investissement d’un milliard d’euros par an et l’ambition de devenir le premier transporteur mondial de passagers et de fret.

Pas de doute, pour l’ancien responsable de Daimler ou encore d’EADS, la situation actuelle en France est synonyme de manque d’efficacité, de hausse des droits de péages demandés par RFF à la SNCF. Et en bout de ligne, c’est l’usager qui doit payer la facture.

Entraves à la concurrence

Mais ces arguments sont loin de faire l’unanimité. Andreas Wettig et Mélanie Oertel, consultants du cabinet allemand KCW soulignent que le «modèle intégré entraîne des entraves à la concurrence en l’absence de séparation claire entre l’entreprise chargée de l’infrastructure et de l’exploitation.» En effet, l’opérateur historique, la DB, puisqu’il gère le réseau, peut être tenté de mettre des bâtons dans les roues des concurrents.

Une analyse partagée dans l’Hexagone par la Fédération Nationale des Usagers des Transports (Fnaut) qui juge inutile, voire dangereuse, l’unification des activités de transporteur et de gestionnaire du réseau au sein d’une holding. La balle est désormais dans le camp du gouvernement.